mercredi 11 juin 2014

Le droit de pleurer

C’est beau un visage souriant. C’est rassurant. Il nous apporte même une joie ineffable. C’est un don qui  nous conforte que la vie vaut la peine d’être vécue. Il est aussi des sourires forcés, crispés, grimaçants et parfois trompeurs qui voudraient nous faire croire que tout va bien alors que tout ne va pas aussi bien que dans le meilleur des mondes. Et le monde auquel je fais référence est le monde réel. Ce monde là se fait le chantre du progrès humain qui se réduirait aux échanges des marchandises et des capitaux, aux voyages des touristes et des hommes d’affaires. C’est nier la nature humaine qui ne peut être réduite à Homo Economicus. La personne humaine est bien plus qu’un consommateur qui consomme et un travailleur qui produit de la richesse. La personne humaine est soumise à d’autres forces que celle des différents marchés qui définissent des équilibres entre une offre et une demande globalisée et abstraite. La personne humaine est soumise aux forces de la vie dont certaines échappent à l’emprise des marchés, mais pas toujours. Il est vrai qu’une forme de médicalisation tend à vouloir supplanter les épreuves liées à la santé et même à s’emparer du marché du bonheur. Les assurances ont tendance à vouloir nous protéger de tous les risques qui peuvent perturber dangereusement le déroulement d’une vie. Et donc on basculerait dans une vie planifiée, programmée, aseptisée de toute émotion, avec un destin tout tracé. Suprême illusion ! En dépit de toute planification, il y a toujours un grain de sable qui peut venir se placer dans un engrenage d’une mécanique bien huilée et qui fait dérailler toutes les prévisions. Que répond notre monde face à l’imprévu ?
L’imprévu est un ratage du système qui ne sait pas toujours le contrer ou le réparer. Mais avouer son ignorance reviendrait à assumer ses faiblesses, à reconnaître les illusions et les mensonges. Alors il ne reste plus que les larmes pour exprimer un désarroi. Que les larmes coulent de façon inattendue nous démontre que tout ne peut être absolument prévu, surveillé et contrôlé. Les larmes éveillent d’une torpeur aseptisée d’émotions humaines et font prendre conscience que tout n’est pas au mieux dans le meilleur des mondes et que le malheur peut encore frapper chacun d’entre nous malgré les précautions commerciales assurancielles. La présence de ces larmes est un signe d’une autre possibilité de délivrance, d’arrachement au malheur, car le plus risqué, serait d’étouffer ces larmes. Les larmes inquiètent et perturbent le monde qui ne sait comment y répondre. Elles en appellent aux valeurs gratuites de compassion et d’empathie qui ne peuvent se laisser enfermer dans aucun commerce. Elles font comprendre que la condition humaine a besoin de miséricorde divine pour le salut de l’humanité. Elles rendent indispensable la nécessité de la foi et de l’espérance en opposition avec l’assurance et la planification de la vie humaine.
Y aurait-il une honte à oser pleurer publiquement ?  En dehors des enterrements, il est rarement toléré de se laisser fondre en larmes ouvertement n’importe où. C’est comme prier !  Dans notre société laïque, il est recommandé de pleurer (et de prier) dans la discrétion de la sphère privée. Nous n’avons rarement appris à répondre de façon appropriée à la détresse humaine. Les larmes désorientent. Savoir prononcer quelques mots de réconfort et de sympathie peut sembler parfois bien difficile. Mais alors il faudrait  montrer en public sa sensibilité, c’est à dire son humanité. Peut être que ce serait aussi s’affirmer ouvertement chrétien, dont la foi est soutenue par une adhésion totale aux valeurs des évangiles.
Rappelons nous le Christ n’a pas retenu ses larmes : des larmes de compassion pour le triste destin de Jérusalem, pour la condition humaine mortelle pour Lazare, des larmes d’auto-compassion de suée, de peur et de sang lors de sa passion, qui montrent que l’amour du prochain commence par un minium de reconnaissance de soi et de sa misère.

Non vraiment les larmes ne doivent pas nous effrayer. Elles nous placent sur un chemin de vérité qui nous mène au Christ. Comme le rappelle le pape dans l’une de ses méditations quotidiennes, le don des larmes est une grâce.

Emylia

2 commentaires:

  1. Bonjour Emylia,
    Votre réflexion sur les larmes est remarquable.
    Je ne sais combien de fois montrer ma vulnérabilité m'a isolée et pénalisée.
    Mais pour rien au monde, je ne renierai ma sensibilité qui m'évite la tentation de toute puissance et qui m'évite aussi de finir dans l'indifférence du monde qui m'entoure.
    Pour faire écho à un passage de votre billet, je lisais dernièrement que la véritable assurance-vie est l'Amour de Dieu.
    Je vous souhaite une belle journée

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  2. Bonsoir Emylia, et merci de nous rappeler le pourquoi de notre existence : imiter Le Christ, imiter L'Amour qui n'a jamais eu honte d'être pleinement homme et pleinement Dieu.

    Bonne continuation
    +doris

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