mercredi 18 juin 2014

Éloge des larmes

J’avais beaucoup de choses à raconter sur les larmes. Aussi j’ai choisi de scinder mon article en deux parties. La semaine dernière j’ai publié « le droit des larmes ». Cette semaine je présente « l’éloge des larmes » en hommage au travail et aux textes de sœur Anne Lecu.

Une dame qui venait d’offrir le témoignage de son histoire me confie qu’elle aimerait bien pouvoir pleurer. J’ai éprouvé le besoin de relire le beau texte de sœur Anne Lecu, médecin en milieu carcéral dans le livre collectif « Cinq éloges de l’épreuve ». Je m’en suis inspirée librement pour rédiger les lignes suivantes.

Notre époque a les yeux secs dit-elle ? Est-ce l’illustration d’un cœur endurci ?
Curieusement, on pleurait beaucoup plus au cours de l’ancien régime royaliste, et peut être au moment du romantisme du XIXème siècle. Cela ne garantit pas que toutes les larmes étaient sincères, mais tout de même, il y avait une large acceptation de ces épanchements de sensibilité.
Il est vrai que de nos jours, les larmes sont mal perçues. Elles dévoilent une fragilité à une époque où l’on encense la force.
Les larmes, il faudrait les refouler, les garder pour soi, comme relevant de la seule sphère privée. Mais je crois bien que le plus troublé, est le témoin de ces larmes. Ces larmes lui commandent de réagir, d’offrir son aide, d’exprimer sa compassion, son empathie et sa sympathie. Il faudrait être capable d’établir la relation, d’écouter l’expression de la détresse et de rechercher une solution, de trouver les mots essentiels qui conviennent pour consoler. Mais bien souvent, nous n’avons pas appris à réagir de la sorte. Nous n’avons surtout pas appris à libérer notre cœur des bienséances formelles.
Comment réagir chrétiennement à cette situation ? Je ne suis pas sure qu’un chrétien sache mieux qu’un autre répondre à cette question.
Parler d’emblée du Christ, de sa souffrance dans les évangiles me paraît déplacer un peu rapidement le sujet.
Je crois bien qu’il faudrait oser pleurer à son tour sur le malheur du prochain, de se désoler de tant de misère humaine qu’il est si difficile d’endiguer.
Les larmes partagées, ne pourraient elles pas déclencher une vague compassionnelle qui risqueraient aussi d’emporter les autorités qui ont le pouvoir de faire quelque-chose ?
Je soutiens que les larmes dérangent les autorités dans leur assurance qu’elles ont d’avoir fait leur devoir.
Les larmes sont peut être déjà salutaire. Ne pas pleurer à l’extérieur du corps revient à pleurer de l’intérieur. Pleurer à l’intérieur, c’est accumuler un poison qui un jour va se libérer sous la forme d’une maladie destructrice qui emporte la vie.
Pleurer, c’est montrer sa faiblesse, mais aussi s’en détacher, ou s’en libérer. Qui arrive à se détacher de sa faiblesse, redevient fort dans son âme et son cœur. (Je pense à Saint Paul qui dit que c’est parce qu’il est faible qu’il est fort.)

Pleurer sans retenue, en privé, c’est aussi adresser une prière de supplication à une présence discrète. Commencer par pleurer, place sur le chemin du Christ qu’on ne manquera pas de croiser tôt ou tard. Le pape dit dans ses méditations quotidiennes que les larmes sont des lunettes pour voir Jésus (la grâce des larmes, le mercredi 2 avril 2013).


Emylia



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