samedi 17 mai 2014

L’écoute

Le dialogue, la discussion est relation. Certainement, cependant le plus souvent il s’agit d’un dialogue de sourds. Chaque interlocuteur cherche à asséner sa vérité sans écouter les arguments de l’autre. Ce dialogue ressemble parfois à de la pure communication utilisant tous les artifices de la persuasion, de l’autorité ou de la menace. Cette relation vire souvent à une relation de domination/soumission.
Il est une seconde forme de dialogue qui cherche à tout prix à établir un consensus. Il y a la recherche inquiète des valeurs communes parce qu’il faut bien arriver à se comprendre. Évidemment cette attitude dénote une recherche de paix. Cependant j’en perçois une peur sous-jacente sur le constat de la différence. La différence fait peur. Elle établit des cloisons ou des murs entre les personnes : entre les sexes, entre les générations, entre les peuples, entre les cultures, entre les classes sociaux-économiques, entre les opinions et autres goûts, entre les paroisses d’une même ville (querelles de clochers). Et la société humaine semble avoir besoin de se fragmenter en clans distincts mais homogènes en interne donc appauvris. La paix ne peut s’établir que s’il y a d’abord division.
Il y a une troisième forme de relation qui est celle de l’écoute. Elle est une ouverture à la parole de l’autre, avec l’acceptation implicite et inconditionnelle de la différence sans une recherche rassurante de la similitude. Elle ne se focalise pas sur sa propre réponse à donner, elle ne s’empresse pas de combler le vide engendré par la question de l’autre par une réponse à l’emporte pièce choisie dans un catalogue d’idées préconçues. Elle intériorise la différence, cherche à la comprendre, en puise la richesse. Grâce à cette richesse dégagée, l’écoute va pourvoir être créatrice dans une réponse ultérieure, murement réfléchie et adaptée s’il y a lieu. Mais souvent l’écoute se suffit à elle même sans qu’une réponse soit nécessaire. L’écoute crée un élargissement de l’univers sans le cloisonner.
Pensez à la parole de la souffrance ! Elle a souvent plus besoin d’une écoute attentive et bienveillante plutôt qu’une réponse explicative et justificative.

Qui est vraiment capable d’écouter attentivement et avec bienveillance de nos jours ?

Emylia

11 commentaires:

  1. Bonjour Emylia,

    Merci pour votre réflexion, toujours si juste, si recherchée pour nous aider à réfléchir à notre tour.

    Bien évidemment je suis d'accord avec vous et je m'intérroge sur la question que vous posez car Maurice et moi sommes engagés dans l'écoute de nos frères et soeurs, c'est notre mission. Toutefois l'écoute bien souvent ne s'arrête pas là - elle aboutit à un accompagnement - accompagnement que nous proposons si nous en décelons le besoin, mais le choix demeure entièrement celui qui demande à être entendu.

    Qui est vraiment capable d’écouter attentivement et avec bienveillance de nos jours ?

    Certes, j'essaierai de tenter une ou deux réponses en disant que c'est celui qui fut écouté et qui se met après à écouter un autre. Et oui l'écoute est une relation ! Je m'explique..., en me basant strictement sur ma propre expérience, car si aujourd'hui je peux être à l'écoute, car ce n'était pas inné chez moi, c'est parce que j'ai moi meme été pendant longtemps écoutée, que je l'ai reconnue, et quand je fus guérie de mes maux, quand la paix est revenue, alors Dieu a pu, en moi, commencer SonTravail.

    Je crois sincèrement qu'il est très difficile d'écouter l'autre si on est constamment à s'écouter soi-même, à ruminer ses propres soucis. Je crois que dans notre cas, Dieu a éliminé les soucis afin que nous puissions mener à bien ce travail qui demande une grande disposition de sa personne.

    Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Mais j'ai essayé, en toute humilité.
    Merci encore Emylia.
    On en reparlera bien sur car le sujet est tres d'actualité avec le Synode d'octobre qui approche. L'Eglise institutionnelle saura-t-elle nous écouter ?

    Je vous embrasse ainsi que tous et toutes
    +doris

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  2. Merci Doris de nous faire partager votre expérience de l’écoute.
    Vous confirmez ce que je pressens : la capacité d’écoute est loin d’être répandue.
    Elle nécessite d’en avoir fait l’expérience, d’avoir été attentivement écouté pour éventuellement pratiquer cette écoute si l’on en éprouve le désir. Et cela aussi est plutôt rare de notre temps.
    L’écoute est donc un don reçu que l’on offre à son tour à son prochain. Il fait partie intégrante de l’accompagnement spirituel qui ne serait être un enseignement mais un guidage pour aider les personnes à retrouver le bon-sens dans leur vie.
    De nos jours, l’accompagnement spirituel est loin d’être répandu. En tout cas je ne vois pas qui en est capable dans ma ville fortement urbanisée ou dans les villes limitrophes.
    L’église de proximité n’offre pas ce genre de service spirituel. Les prêtres de ma ville n’ont pas le temps de le pratiquer. Et ma grande crainte c’est qu’ils ne soient pas capable d’écouter : c’est à dire d’accepter de « perdre son temps à écouter ».
    Or il me semble que l’écoute est l’attitude fondamentale du Christ dans les Évangiles.
    Les prières n’ont d’objet que dans l’espérance qu’elles sont écoutées par une présence attentive, même si elle est invisible.
    Pauvre croyant débutant du XXI siècle qui ne peut livrer ses interrogations spirituelles qu’au silence. Il doit déjà avoir une foi bien consolidée pour se dire que ses prières atteignent véritablement une présence.
    Mes amitiés.
    Emylia

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  3. Bonjour,

    Merci toutes les deux.
    Comme Doris, j'ai trouvé très bon votre billet sur l'écoute, Emylia. une fois encore merci.
    Je trouve juste la dernière phrase un peu pessimiste. Je crois qu'il y a encore des personnes capables, comme Doris et son mari, de vraiment écouter et d'écouter avec bienveillance, mais je comprends que vous puissiez ressentir le contraire et puissiez trouver l'Eglise assez peu accueillante.

    Les personnes dont le rôle traditionnel était d'écouter, conseiller etc, sont débordées par leurs tâches que d'autres ne peuvent accomplir. Célébrer les sacrements pour les prêtres, établir des diagnostics et poser des gestes techniques pour les médecins, ceci dit en résumant beaucoup. Ils sont trop peu nombreux.( Pour les médecins, le numerus clausus est toujours trop strict pour les besoins de la population.)

    . Etant une convertie du XXI e siècle , je veux bien croire qu'il n'est pas facile de trouver quelqu'un pour vous écouter comme vous l'auriez souhaité. Je vois, et je sais que je ne suis pas la seule, la chute des vocations sacerdotales avec angoisse. Dans mon diocèse de naissance, de nombreuses paroisses qui avaient toutes au moins un prêtre, sinon deux bien souvent, quand j'étais enfant n'ont plus de messe le dimanche qu'une fois tous les deux mois ! Tous les prêtres en exercice font des km et des km d'un lieu qu'ils "déservent" à l'autre et plus ils vieillissent , plus ils ont du travail. En ville, on perçoit cela avec moins d'acuité sans doute et étant nouvelle dans le sérail vous n'avez pas les mêmes éléments de comparaison que nous, les vieux pratiquants.

    Je ne sais pas, bien sûr, ce qu'il en est dans votre paroisse, mais vous dites bien qu'ils n'ont pas le temps non plus d'écouter. Je pense que la plupart des prêtres actuels vivent cela dans la souffrance. Ils ne pensent pas, je pense, que c'est une perte de temps, Ils savent bien qu'il faudrait faire autrement et sont déçus de ne pas pouvoir être plus disponibles. De plus, de leur côté, ils se sentent eux aussi, parfois, peu écoutés et peu soutenus par les laïcs car ils ploient sous la charge. Je l'ai lu récemment dans un article.

    Quelle solution trouver? Nous avons abordé parfois le sujet ici.
    Pour moi, l'ordinateur est arrivé à point nommé, quand je n'ai plus été dans la possibilité de garder le contact avec une paroisse. Les blogs, les émissions de KTO, la correspondance par mails.
    Les livres, les magazines chrétiens m'aident aussi;
    Bien sûr, j'aurais besoin de conseils personnalisés aussi, de contacts humains où le langage non verbal est possible... avec la joie d'une œuvre commune. Mais nous vivons une époque de "grand chambardement" et c'est normal que l'Eglise soit elle-même touchée. Elle est DANS le monde. En écrivant ceci, il me vient une question: "peut-être, après tout, n'est - ce pas tout à fait une mauvaise chose qu'elle se sente pauvre et insuffisante ? L'humilité peut être source de nombreux fruits. ? ? ?

    Sur cette interrogation et dans cette espérance, je vous souhaite une bonne soirée de dimanche. Prions pour qu'il y ait de nombreux ouvriers sur la vigne.
    Thérèse.

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  4. Je viens de lire votre commentaire sur le blog "Pollen", Emylia. (je ne me suis pas mise à y participer car je me disperse déjà assez) .
    Vous vous étonnez que Marie n'apparaisse pas en ville. Savez vous qu'elle est apparue à Catherine Labouré en plein Paris, rue du Bac? La chapelle de la Médaille Miraculeuse est un leu de pèlerinage fréquenté tous les jours par de nombreuses personnes. Des religieuses tiennent le lieu et on peut y rencontrer des prêtres pour se confesser ou se confier.

    Ceci dit, vous avez raison. les villes ne sont pas des déserts spirituels. Connaissez vous l'église St Gervais à Paris où les Fraternités Monastiques de Jérusalem célèbrent leurs offices et assurent une présence chrétienne dans le quartier?
    Bonsoir.
    Thérèse.

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  5. Bonjour,
    J'ai bien peur d'avoir apporté un certain découragement par ma réponse hier.
    Je réfléchis à ce problème de l'écoute qui devient rare. Est-elle plus rare qu'autrefois? Je crois que les bonnes dispositions des uns envers les autres, si vraiment elles sont rares, reviendraient assez vite. Mais presque tout le monde est stressé, débordé (à part- peut-être?- les chômeurs mais leurs soucis les absorbent ), inquiet car le contexte dans lequel nous vivons est difficile. Et les personnes disponibles ignorent de quoi demain sera fait. Nous avons l'impression que tout devient imprévisible, l'avenir semble ainsi d'autant plus menaçant.

    Les lueurs d'espoir que je vois quant à cette question concernant la disponibilité pour l'écoute, c'est ceci:

    1°- Autrefois, pour une écoute, on se tournait assez naturellement vers les curés de paroisse, ceux-ci étant devenus trop rares et les compétences étant plus répandues chez d'autres personnes, la direction spirituelle est assurée ici et là par des religieux et religieuses. Véronique Margron , dominicaine et spécialisée dans les questions morales, rend compte de ses réflexions à ce propos tous les mois dans la revue Panorama.

    2°- De nos jours, les retraites sont de plus en plus souvent animées (autrefois on aurait dit prêchées) par des laïcs, souvent des femmes. C'était inimaginable il n'y a pas si longtemps.

    3°- De plus en plus de personnes racontent leur conversion à l'âge adulte, alors que leur éducation ne les avait pas préparées à ça. Il est vrai que trop nombreux sont ceux qu'on laisse ensuite se débrouiller tout seuls, comme en témoigne ce dernier billet, et que de nouveaux baptisés abandonnent la pratique faute de soutien. Des solutions sont à inventer et ce n'est pas forcément aux prêtres de tout faire en ce domaine.
    C'est la preuve, en tout cas que Jésus dit encore, de façon aussi inattendue que ça l'avait été pour Pierre, ,Jacques, Matthieu ou Zachée: "Viens et suis moi" ou "Aujourd'hui il faut que j'aille demeurer chez toi"

    Je pourrais allonger ma liste qui est très loin d'être exhaustive. Elle est insuffisante pour convaincre. Je vois d'autres changements positifs trop longs à écrire ce matin.
    Je n'ai pas changé d'avis par rapport à hier. Je reste très inquiète. Inutile de se cacher les yeux dans le sable, mais je me dis que le Christ ne nous abandonnera pas si nous lui demandons de l'aide à titre personnel ou collectif.

    Bonne journée.
    Thérèse.

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  6. Bonjour Thérèse,

    Ne vous inquiétez pas, je ne suis point découragée par votre réponse.
    Ma plus grande crainte est que l'écoute soit médicalisée, commercialisée, artificielle et non plus un don que l'on offre.
    Et je ne pense pas seulement aux adultes (qui ne savent plus à quel saint se vouer : au travail, à l'argent, aux loisirs), mais aussi aux enfants qui sont nourris, éduqués, instruits mais ont-ils le temps d'être écoutés, par les parents, grands-parents mais aussi par d'autres personnes.
    L'écoute me travaille énormément. Elle nécessite de faire très attention à l'usage des mots. Dans un flot incessant, il y a parfois des messages hyper-imporant qui s'ils ne sont pas entendus, il peut se produire des catastrophes relationnelles.
    Vous comprendrez mieux demain pourquoi je me focalise sur l'écoute.
    Je vous souhaite une bonne journée.

    Emylia

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  7. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur l'importance du don dans l'écoute Emylia. Vous avez raison. C'est ce qui fait qu'une personne se sent importante puisqu'on prend le temps de l'écouter et qu'on veille à bien la comprendre. L'usage des mots est très très important, en effet.
    Mais pour une personne souffrant d'un grave problème de culpabilité, ça peut la soulager de payer, pour qu'elle ne se sente pas coupable de "faire perdre son temps" au psy qui l'écoute, par exemple...rien n'est simple ni tout à fait généralisable absolument, dès qu'on touche à l'humain.
    Bon après-midi et à demain. C'est un sujet qui m'intéresse aussi; Je le trouve plus qu'important.
    Thérèse.

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  8. Avez vous toujours "écouté" les personnes qui avaient envies de participer à votre blog!! les anciens de Thierry!!
    A méditer!!

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  9. Très bonne remarque Thérèse !

    Mon écoute ne cherche pas à détourner celui qui s'exprime de son chemin. Elle est infiniment tolérante à l'égard de celui ou celle qui est dans sa recherche. Elle n'a pas pour but de convaincre et dissuader.
    Je pense même que l'écoute n'a même pas de finalité. Elle est juste une présence.

    Emylia

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    1. je voulais écrire persuader au lieu de dissuader.

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  10. Chère Thérèse, je repensais ce matin :
    L'écoute dont je parle ne s'intéresse qu'au fond qui porte sur l'essentiel et non à la forme qui est secondaire. La forme est liée aux capacités d'expression de celui qui ose témoigner par sa parole. Chacun d'entre nous a son fond , qui est sa propre vérité, qu'il souhaite ou non exprimer. Je reconnais que la forme peut être déroutante, car elle peut rendre difficile la compréhension du fond.
    Mais, la forme, donc le style ne peuvent pas être déformé par celui qui parle car elle biaiserait le fond.
    (Du coup le silence serait préférable à une parole faussée.)
    Elle transformerait la parole du cœur en enseignement pédagogique ou didactique avec l'autorité de celui qui sait !
    Elle serait pure exercice de communication, et non don de sa propre vérité sans arrière pensée.


    Emylia

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