samedi 18 avril 2015

Mysticisme et religion dynamique

« La morale de l'Évangile est essentiellement celle de l'âme ouverte. »

 « Ne parlez pas d’esprits différents des nôtres ;

dites seulement qu’ils ignorent ce que nous avons appris. »

H Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion

« Vivre pour l'esprit, c'est essentiellement se concentrer sur l'acte à accomplir. »

H. Bergson, L'Énergie spirituelle

« Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent :

la pensée demeure incommensurable avec le langage. »

H. Bergson



Je perçois bien que les diverses personnes que je côtoie,  n’appréhendent pas la foi ou la religion d’une façon similaire, dans la pensée, les actes et l’attitude. Manifestement nous n’éprouvons pas tous les mêmes transformations dans nos vies. Pour mon compte, j’ai toujours été embarrassée par le terme de mysticisme, car je l’imaginais correspondre à une manifestation exaltée un peu excessive, voir sulfureuse du sentiment religieux. Je me rappelle de mon étude sur quelques grands Saints comme Thérèse d’Avila connue comme une grande mystique. Sainte Thérèse éprouvait fréquemment des extases lors des messes, ce qui ne manquait jamais d’agacer les liturgistes canoniques, très pointilleux sur respect des règles du culte.
Je viens de découvrir la pensée du philosophe Bergson sur le mysticisme dans son livre « Les deux sources de la morale et de la religion » et commenté dans les chemins de la connaissance sur France Culture.  Et je suis véritablement très agréablement surprise par l’expérience personnelle de ce brillant philosophe qui a dû vivre une profonde conversion bien qu’il n’ait pas pu la mener jusqu’au baptême. Le philosophe n’utilise pas des mots religieux comme la foi, la conversion. Il en emploie d’autres termes pour narrer cet étrange phénomène de métamorphose spirituelle.
Le philosophe perçoit bien l’opposition entre d’une part une forme de religion qui serait close, refermée sur le clan de ses adeptes et d’autre part l’expression d’une religion ouverte sur l’infini de l’universel, qui transcende toute frontière de protection contre « les étrangers », et qui découvre le sens de l’humanité et du divin et surtout de l’amour de toute vie.
Il dissocie la première forme de religion qu’il qualifie de statique, de la seconde forme désignée par le terme de religion dynamique, c’est-à-dire de vivante (donc non sclérosée). La capacité d’expression d’une religion dynamique par une personne, demande une énergie intérieure hors du commun, inlassablement orientée vers la recherche (probablement obsessionnelle mais non névrotique) du principe de vie et de toute vie.
Ces personnes hors du commun fascinent et entrainent dans leur sillage, une multitude d’autres personnes qui se découvrent en elle, un sentiment spirituel inchoactif. Les grands mystiques sont des Saints qui ne doivent en aucun cas être confondus avec des gourous. Les mystiques indiquent le chemin qu’il est possible de suivre pour se libérer intérieurement des pesanteurs morales de la société pour faire sien, un sentiment d’amour universel.


10 commentaires:

  1. Bonsoir Emylia,

    Je me préparais à écrire mon désarroi de ces jours-ci, puis je me suis mise à relire les citations de Bergson que vous nous proposez ci- dessus. La dernière explique bien ma difficulté à exprimer , en tout cas par écrit et d'une façon trop abrégée, les pensées contradictoires qui me viennent :

    "Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage"
    J'ai l'impression de ne plus réussir à "gérer" ce flot de nouvelles dramatiques, ce mélange de commémorations d'atrocités commises dans le passé et dans le présent avec les futilités... nécessaires aussi dans une certaine mesure, car il faut garder un certain bonheur de vivre et ne pas peser trop sur notre entourage par nos réflexions parfois sombres.

    J'avais aussi écouté une des émissions concernant Bergson et il faudra que j'écoute les autres, mais comment faire pour lire tout ce qu'il faudrait lire, écouter ce qui le mérite, prier, dormir, assurer le quotidien en laissant déjà beaucoup pour le lendemain, voir ses amis, les réconforter quand ils vivent des choses difficiles et ne pas sombrer soi même ?

    Je retiens aussi cette citation: "Vivre pour l'esprit, c'est essentiellement se concentrer sur l'acte à accomplir"
    Mais à quel acte donner la priorité ?

    Prier oui, mais il faut retrouver le calme intérieur.
    Le passage du livre de J. Moingt sur la Trinité m'y a aidée. Je trouve cette partie très bien traitée. Elle donne justement une vision de l'union entre les trois personnes Père, Fils et Esprit et l'union de Dieu trinité aux hommes une idée de ce que peut être l'union mystique. Mais c'est un mot bien difficile à manier. On parle là de cœur à cœur je pense, et les extases, lévitations et autres phénomènes extraordinaires ne sont pas l'essentiel.

    Je vais faire une pause dans la lecture du livre de Moingt car certains passages demandent une attention que je ne peux pas toujours fournir.

    Vous avez compris, Emylia, que j'ai de plus de mal à vous suivre . Vous avez une capacité d'absorber lectures, émissions etc... dans un temps court, assez phénoménale. J'ai besoin , pour ma part, de ruminer, de digérer, de méditer sur les découvertes récentes. Je suis lente. Veuillez m'en excuser.

    Bonne soirée. amicalement.
    Thérèse.

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  2. Petite correction au dernier paragraphe: "J'ai de plus en plus de mal à suivre". Th.

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  3. Bonsoir chère Thérèse,
    Depuis le début de cette année, j’ai énormément ralenti mon rythme de lecture. Je lis essentiellement le soir, après que mon époux ait coupé la télévision que je ne regarde pas mais qui me perturbe. Je suis dans la lecture de Joseph Moingt depuis quatre mois et je viens d’atteindre les 300 pages. Je viens à peine d’aborder la seconde partie du livre qui traite justement de la naissance du christianisme avec l’émergence du concept trinitaire. Le premier qui évoque le concept trinitaire est St Justin (de Naplouse), philosophe-apologiste, citoyen romain, qui avait essayé toutes les philosophies et toutes les religions de son époque avant de ne retenir que le Christianisme. Il est mort en martyr chrétien, sous le règne de Marc Aurèle qui était un empereur-philosophe épris de sagesse stoïcienne. Tout ça pour souligner que vous me devancez dans la lecture de ce livre. J’apprends tellement de choses dans cette lecture que je voudrais les maintenir, même si je dois prendre un an ou plus pour en venir à bout.
    J’ai un petit regret d’avoir interrompu ma lecture de la bible de Lucile qui est fort intéressante aussi et bien plus facile à lire. Vu ma connaissance limitée sur tout sur l’ancien testament, ce commentaire éclairé sur la bible m’est très utile.
    Il m’arrive parfois de ne pas avoir un moral très haut. La semaine dernière, j’ai failli publier un article sur les peurs qui engendrent la violence. Eh puis l’écoute vendredi dernier sur Bergson, m’a redonné la pêche. Il faut dire que je profite d’avoir deux fois trente minutes de transport pour me rendre à mon travail, pour podcaster sur mon téléphone les émissions de France Culture qui m’intéressent.
    J’évite si possible de me laisser capter par les mauvaises nouvelles qui sont débitées en un flot continu par informations télévisées car je crains à la fois l’addiction à la déprime et la sidération devant le mal. Cependant, il m’arrive souvent de lire les titres de journaux et quelques sur le web pour ne pas être totalement ignare et indifférente.
    Mais même, en n’étant pas à l’écoute du malheur dans le monde entier, la tristesse peut toujours atteindre. Par exemple, je viens d’apprendre que le fils de mon président de chorale vient de décéder d’un cancer alors que son père est-lui même était décédé en janvier dernier. J’ai beaucoup de peine pour la mère qui a perdu à la fois son époux et son fils en quatre mois. Elle est aussi une partenaire de chorale. Nous avions beaucoup échangé car nous avions vécus aussi un cancer. Alors mon acte en esprit sera de chanter à l’enterrement du fils en empathie avec cette dame.
    J’ai une étrange impression. Je pensais que la diversification de mes préoccupations, en incluant une étude personnelle religieuse réduirait significativement mes compétences professionnelles et mon travail au foyer. Je crois que c’est le contraire qui s’est produit. Pourquoi ? Parce que cette activité de recherche religieuse apporte une forme de joie persistante qui protège efficacement de la dépression.
    Je veux rajouter aussi que mon fils est parti cette semaine en séminaire de théologie chez les dominicains dans le cadre de ses études de philosophie. Nous échangeons par SMS. Il a l’air d’apprécier les cours des dominicains. Nous allons pouvoir avoir de riches échanges sur ce thème à son retour.
    Chère Thérèse, je suis persuadée que vous agissez tel que le souhaite l’esprit en soutenant vos amis. L’esprit souhaite aussi que vous preniez soin de vous. Il n’y a effectivement que la prière pour essayer de discerner l’ordre des priorités des actes qu’il faut bien définir. La prière aussi pour demander du temps et des forces…
    Bonne semaine à vous et mes amitiés.
    Emylia

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  4. Bonjour Emylia,

    Merci pour votre longue réponse. Je vous ai devancée dans ma lecture de J. Moingt ? Pour être honnête avec vous, je vous dirai que je lis ce livre très vite parce que je n'ai pas trop envie de m'y attarder. Ce thème de la Trinité a été le seul qui a vraiment retenu mon attention. Vous voyez, nous réagissons très différemment à ce livre.

    Je le trouve très compliqué. Il perturbe, non ma foi car au contraire il me permet de préciser ce qui est bien ancré en moi, mais ma sérénité. Pour moi , c'est un livre pour théologiens, pour spécialistes de ces questions très pointues concernant l'histoire de l'Eglise mais peu accessible aux croyants de base , catégorie dans laquelle je me situe.

    J'ai souvent pensé à cette prière de Jésus : " Je te remercie Père d'avoir caché cela aux savants et de l'avoir révélé aux petits et aux humbles"

    Quand J. Moingt écrit qu'on n'est absolument pas sûr qu'aucune parole de Jésus rapportée dans les évangiles ait vraiment été dite par lui, je ne suis pas d'accord. Bien sûr, je suis contre une lecture fondamentaliste de la Bible et particulièrement du Nouveau Testament, mais on ne peut pas dire pour autant que l'Evangile soit un montage décidé par les auteurs pour accréditer telle ou telle thèse plutôt que telle autre. S'il est appelé Parole de Dieu, c'est bien parce que Dieu, par son Esprit, a inspiré les évangélistes pour retenir telle ou telle phrase, action ou geste de Jésus.

    Celui-ci avait bien dit : " Je vous ferai souvenir de tout ce que je vous ai dit". Mais vous voyez le danger de l'affirmation de J. Moingt,car même pour cette phrase, on ne serait pas sûrs qu'il l'a vraiment dite. Alors tout s'écroule et on peut douter de tout. Le livre tombe peu à peu. Ou bien chacun garde ce qu'il comprend, ce qui lui convient et va avec sa façon de penser et tout devient subjectivité. Nous n'appartenons plus à la même foi puisque l'un croit ceci, l'autre cela et c'est la babelisation puisque nous ne parlons plus des mêmes choses , nous ne parlons plus la même langue.

    Je veux bien penser qu'il faut avoir lu le livre de Moingt entièrement pour savoir si ce qu'il déclare là est une hypothèse d'école et que finalement, il redonne aux écrits du Nouveau Testament leur autorité mais tous ces contours par les thèses des débuts de l'Eglise ne sont alors intéressantes que dans le cadre d'études très spécialisées pour universitaires.

    Je vous écrirai quand je vais le pouvoir ce que j'entends, pour ma part, par foi critique.
    Bonne journée.
    Thérèse.


    Bonne journée.
    Thérèse

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  5. Bonjour Emylia,

    Je viens de relire ce que j'ai écrit hier. Je regrette si je vous ai déçue car le livre de J.Moingt vous plait vraiment. Je regrette aussi le ton que vous aurez peut-être trouvé sans nuances. J'aurais voulu trouver un ton plus conciliant mais je pense vraiment ce que j'ai écrit et dans ces cas là, j'y mets de la passion. Je finirai la lecture de " Croire au Dieu qui vient" et ferai amende honorable si j'ai été injuste.
    Je vous rejoins tout de suite, le temps d'écrire mes réflexions à propos d'une foi critique.
    Thérèse.

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  6. Je vais donc essayer de dire ce qu'est une foi critique pour moi, en ayant bien conscience que mes critères ne correspondront peut-être pas à ceux de J. Moingt ( ou à ceux de M. Bellet qui emploie aussi souvent cette notion).

    Pour moi, mon attitude se dirige d'abord vis à vis de ce que je crois, moi personnellement. Je reconnais que mon point de vue est subjectif mais ma foi , si je veux qu'elle soit intérieure, doit être assumée en mon nom propre. Elle ne mérite peut-être pas que l'on fixe particulièrement son attention sur elle, mais la lecture de "Croire au Dieu qui vient" m'a permis de voir sur quoi elle repose et je remarque donc ceci:

    Elle n'est pas, à priori dirigée vers ce que dit telle ou telle religion ou telle ou telle confession à l'intérieur d'une même religion. il me parait évident que je peux accepter des articles de foi venant de diverses spiritualités, chrétiennes ou non, le catholicisme n'ayant pas le monopole de la Vérité. Aucune spiritualité ne possède à elle seule toute la vérité. Ce qui m'intéresse donc c'est de savoir laquelle j'ai le désir de m'approprier et pourquoi.

    Car je veux m'approprier les articles de foi. C'est en cela que je peux d'abord l'appeler une foi critique. Je ne veux pas croire parce qu'on m'a dit que "ce sont les vérités à croire" pour reprendre le langage d'autrefois. Ce ne serait pas une foi adulte. Pour autant, je ne soupçonne pas à priori un article ou dogme d'être faux. Je me demande le plus honnêtement possible :"pourquoi je dis que je crois cela ? Pourquoi j'y crois ? Qu'est ce que cela implique ?"
    Je lis ce que je trouve sur le sujet. Je vais puiser à plusieurs sources qui se nourrissent les unes les autres(ou éventuellement se contredisent). Si je me sens déstabilisée, je l'accepte.

    Rien d'original jusque là. Pour moi, un critère important est celui çi: Est-ce bien en cohérence avec ce que j'ai déjà accepté ,

    Je parlerai de la Raison mais malheureusement, je suis obligée de m'arrêter là pour le moment car j'ai trop de difficultés à écrire. Je reprendrai quand mes muscles voudront bien être plus dociles. Excusez moi.
    A bientôt j'espère.
    Thérèse.

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  7. Bonsoir Emylia,

    Je suis désolée de ne pas avoir pu écrire aujourd'hui ce que j'avais préparé.
    Je pense bien, dans mon inactivité, à la femme de votre président de chorale si éprouvée encore.

    Pour le moment, je ne sais pas quand je vous retrouverai. Je vis de plus en plus au jour le jour. Gardons l'espérance.
    Bonne soirée.
    Thérèse.

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  8. Bonjour,

    Je vous remercie Emylia pour la patience dont vous faites preuve à mon égard.
    Je viens de prendre en marche l'émission intitulée, si je ne me trompe, "Culture d'Islam" sur France- culture qui se terminait à 16 h. J'ai beaucoup pensé à vous en l'entendant. J'avais lu Roumi autrefois; Je m'y replongerai .
    Bon après midi.
    Thérèse.

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  9. J'aurais dû préciser qu'il s'agissait de poésie mystique en Islam. Th.

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  10. Bonjour Thérèse,

    J'avais écouté une emission sur l'islam précisément sur France Culture il y a quelques semaine où des
    intellectuels musulmans s'exprimaient sur le Coran. J'ai été profondément attristée des nombreuses ambivalences et contradictions présentes dans ce texte qui permet à chacun de choisir se se conforter dans son attitude, de saint ou de meurtrier.

    Je ne veux pas faire de comparaison entre les religions. Mais il faut regarder aussi le degré de moralité, de tolérance et de respect des ses adeptes sans aller jusqu'à un extrême de l'amour désintéressé et l'abnégation. Il est vrai que le christianisme incarné par des hommes bien en chair est loin d'être un idéal de vertu et que dans ses structures s'ancre parfois une perversité destructrice de vie, étouffant certaines initiatives bienveillantes, même encore aujourd'hui (mais ce n'est pas la règle). Tout de même il n'ose plus depuis des siècles en appeler au meurtre de ceux qui n'en sont pas ses adeptes.

    Je n'oublie pas non plus qu'il fut une époque où l'islam était la lumière culturelle de l'occident et qu'il a contribué à animer la renaissance occidentale en l'aidant à se sortir d'une période sombre d'obscurantisme qui a précédé l'an mil.

    Prions pour que l'ensemble des musulmans retrouvent la lumière de la tolérance et du respect de la vie, comme nous d'ailleurs en laissant tomber notre idolâtrie du matérialisme pour accepter un peu de mysticisme dans nos vies.

    Amen.

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Emylia