samedi 17 janvier 2015

Le don propre

-Notre désir le plus profond coïncide avec notre fécondité la plus sûre et notre bonne puissance est ce que nous pouvons offrir à autrui.(...) Connaître notre don est en quelque sorte à la pointe du travail de vérité que nous pouvons faire en nous, aussi convient-il d'aller d'abord aussi loin que nous pouvons à l'écoute de ce qui veut naître en nous et par nous.
-Qui cherche le don qui est le sien le trouve et trouve la voie pour le réaliser. Peut-être autrement qu'il n'avait prévu, peut-être même sous des formes déconcertantes pour d'autres et pour lui-même. Mais avec vérité. Tout ce qui en nous est vivant et veut la vie trouvera son chemin.

Voici quelques phrases énigmatiques de Maurice Bellet que j’ai eues à commenter. Le thème de ces phrases porte sur le don. Mais quel peut bien être le sens de ce mot don. Je soupçonne Maurice Bellet de vouloir jouer sur les sens multiples de ce mot. Ces sens multiples pourraient d’ailleurs se rejoindre en en un certain point de notre chemin.

Le don fait d’abord penser au talent. N’est-ce pas un désir ardent de l’être humain d’être le détenteur d’une ou plusieurs compétences, comme une clé ou un trousseau lui permettant de s’introduire dans le monde des relations humaines. C’est le désir profond d’être utile pour ses semblables, d’avoir une mission, que la vie ait un sens cohérent. Communément, ce don ne tombe pas tout seul du ciel. Il faut souvent errer longuement avant de le trouver. On le trouve rarement par hasard. Il faut être attentif, être en quête. Une fois dévoilé, il reste encore à le développer, à le travailler, à s’épanouir en ce don. Et ce don a un rapport avec notre vérité qui se révèle chaque jour davantage. Mais ce don questionne l’humilité. N’est-il pas possible de vivre sans talent, simplement. Vivre la banalité du quotidien sans admirer en nous l’excellence. Est-ce que les Saints ont besoin de talent pour être saint ?
N’est-il pas une autre évidence qui un jour se dévoile autrement ? Ce qui nous donne d’être là ! En vie parmis nos frères humains. Ce don là ne se possède pas. Il est simplement. Il est prise de conscience, étonnement, émerveillement. Il est relation avec une altérité présente. Il est une vérité éclatante à saisir par la pensée ou la prière. Ce don est gratuité sans obligation de réciprocité, dans le respect de notre liberté. Il invite seulement à son accueil et son acceptation. Ce que notre acceptation nous révèle, induit la métamorphose intérieure en notre puissance de pouvoir donner gratuitement à notre tour à autrui. Ce talent là qui est unique est notre don propre. Ce nouveau don se confond avec l’amour d’une mère pour son enfant. Cet amour reçu qui pourra être transmis à son tour en traversant les générations par transcendance. Cet amour est indestructible. Il est la puissance de vie même qui résiste à tout ce qui veut détruire la vie, la joie, la tendresse bienveillante.

Emylia

5 commentaires:

  1. Emylia,
    J'ai aimé votre billet de la semaine et de plus il coïncide parfaitement avec le livre que je viens de terminer. C'est un roman...? Paulo Coelho "sur les bords de la rivière Piedra" Je ne connaissais pas cet écrivain sauf de nom! mais c'est son 3ème livre que je termine et j'en suis toute....retournée.

    "Accomplir sa légende personnelle est la seule et unique obligation des hommes" L'Alchimiste.

    Je réfléchis.....je ne dirai pas plus car j'en suis incapable et tout est dit!

    Bonne semaine à tous et merci.
    Mamou

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Mamou,

    J'aime beaucoup cette expression d'accomplir sa légende personnelle. Plus je regarde comment la foi est venue aux hommes du passé, je mesure l'importance de cette légende personnelle qui s'inscrit au cœur de nos textes fondateurs et dans lesquels notre vie s'y plonge.

    On vient à l'instant de me faire parvenir un extrait de Maurice Bellet que je ne connaissais pas.
    J'en profite pour le poster car il est parfaitement en phase avec ce que je venais d'écrire:


    'Lieu de combat" p. 59 : Maurice Bellet

    Le don est infiniment divers : autant que d'hommes et de femmes. Il y a des dons de richesse et des dons de pauvreté, des dons de parole et des dons de silence, des dons de création et des dons de réception, des dons de science et des dons de non-savoir, des dons de puissance et des dons de retrait, des dons qui vont vers le plus complexe, le plus compliqué, le plus architecturé, le plus glorieusement et artificieusement construit, et des dons qui vont au simple, à l'extrêmement simple, des dons visibles et des dons secrets, des dons magnifiques (c'est-à-dire : pour faire grand) et des dons de petitesse (c'est-à-dire : pour les commencements, pour le grain qui deviendra le plus grand arbre), des dons qui vont par longs chemins, et des dons qui vont par voies abruptes, par raccourcis, d'un bond.
    Il y en a pour tout le monde.
    Et la règle, me direz-vous, la règle ? Car il en faut bien une, tout de même. Eh bien, voici le plus étrange : la règle des règles, c'est le don suprême, qui est la simplicité même, qui est accessible à tous : de voir en l'autre, quel qu'il soit, le don qui est le sien et qui le fait grand, inestimable.

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour,

    J'aime beaucoup ce texte de M. Bellet. Particulièrement la fin:

    "voir en l'autre, quel qu'il soit, le don qui est le sien et qui le fait grand, inestimable."

    Cela suppose une qualité d'écoute de l'autre, un regard très attentif qui s'applique à voir l'autre le plus possible comme Dieu le voit, regard qui le fait grandir et qui nous grandit en même temps.
    C'est le don d'aimer.
    Merci pour cet extrait, Emylia.
    Bonne soirée .
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  4. En ce moment je lis le livre de Yves Boulvin et Anne Villemin "Choisis la vie" éd. des Béatitudes. Une page par jour comme le conseillent les auteurs. Celle du 19 janvier, donc d'aujourd'hui, s'intitule:
    "Là où est ta blessure, là est ton don"
    et se poursuit ainsi:
    "Nous avons tous un domaine où nous sommes fragiles...Là où tu as le plus souffert , là se trouve sans doute ta vocation."
    Cette façon de faire de nos faiblesses une force me parait très précieuse. Je la rapprocherai de ce que disait Olivier Legendre: "C'est la part faible en nous qui nous convertit"
    Voilà une bonne façon de voir, après coup, ce qui nous est arrivé de difficile dans notre vie comme une occasion d'en retirer des richesses et des forces. Ne pas voir dans nos blessures un don de Dieu,(ce ne serait plus le Dieu d'amour dont nous parle l'Evangile) mais la possibilité qu'il nous donne de les transformer en quelque chose de positif.
    C'est sûrement une grâce à demander quand la démarche ( donc, en dehors de tout dolorisme malsain) nous semble encore impossible.
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  5. Bonsoir,
    J'ai évoqué hier des dons de pauvreté. Ils le sont moins souvent, il me semble, que les dons de richesse. Quand nous parlons de dons, nous pensons plus souvent aux talents dans le sens habituel du terme. Il nous faut bien sûr les développer. La parabole des talents le montre bien. Mais depuis samedi, j'ai eu envie de réfléchir aux autres.

    Je me souviens d'une homélie qui m'avait mise mal à l'aise il y a déjà plusieurs années. Le prêtre nous avait encouragés à venir en aide aux personnes en détresse autour de nous. Il avait raison évidemment, mais je trouvais qu'il manquait un volet à son discours. Il n'avait pas semblé supposer que nous, chrétiens pratiquants réguliers, pouvions traverser nous-mêmes de grandes pauvretés. Je connaissais bien les personnes assises autour de moi. Coincidence: ¨elles vivaient presque toutes un moment difficile: maladie grave d'un proche, deuil, chômage, divorce des enfants...

    Le fait que le prêtre (malade lui-même à ce moment là) nous situe comme des personnes épargnées et en position forcément "plus haute" que ceux qui n'étaient pas parmi nous, à la messe,(c'est ainsi qu'il présentait les choses) me semblait fausse.

    J'attendais qu'il nous dise que nous avions aussi à attendre nous-mêmes des autres. Que nous puissions voir "les autres" avec leurs richesses dont nous pouvions avoir besoin. Certes nous avions la foi, et en période de détresse, c'est une grande aide, mais avoir l'humilité de demander de l'aide, c'est dire à celui à qui nous la demandons: "Je connais tes dons pour m'aider à surmonter mon problème, j'en aurais besoin aujourd'hui ".
    C'est une belle reconnaissance de ce qu'est l'autre et une sortie de notre position peut-être supérieure et , de ce fait , gênante pour être vraiment frère de "l'autre", il me semble.
    C'est pourquoi la fin du texte de M. Bellet m'a bien parlé. Je ne sais pas si j'ai réussi à m'expliquer, et je suis peut-être "hors sujet" comme dirait Nainai.

    Bonsoir.
    Thérèse.

    RépondreSupprimer

Vous pouvez librement exprimer votre commentaire, sous réserve qu'il soit respectueux de tous. Vous pouvez choisir contribuer anonymement, sans la contrainte de vous identifier, sans avoir à vous pré-enregistrer quelque part.
Si vous contribuez en tant que participant anonyme, n'oubliez pas de laisser votre pseudonyme dans le corps de votre commentaire. Attention de ne pas dépasser la limite de 4096 caractères pour votre commentaire. Consultez la page consacrée aux commentaires pour plus de précision. Avec mes remerciements.

Emylia