samedi 11 octobre 2014

Le temps de quelques jours

Hier soir, je suis allée voir au cinéma le film documentaire intitulé « le temps de quelques jours » sur les moniales cisterciennes de la stricte observance, de l’abbaye Notre Dame de Bonneval dans l’Aveyron. Je pensais que ce sujet resterait assez confidentiel. Je me trompais totalement car la grande salle de cinéma était comble. Le réalisateur Nicolas Gayraud était présent dans la salle et il a expliqué aux spectateurs le vécu de son tournage et les choix de montage qu’il avait opéré.
Il faut savoir que ce genre de film est exceptionnel. Il ne s’agissait pas d’un reportage sur la vie monacale, mais un portrait de femmes ayant choisi d’embrasser la vie monastique.
Il régnait un grand apaisement dans cette abbaye qui semblait complètement déconnectée de l’agitation du monde extérieur et du rythme du temps. Pourtant les sœurs contemplatives travaillaient  à produire du chocolat avec l’aide d’un maitre chocolatier. Le travail dans un monastère obéit à des règles absolument contraires aux lois économiques qui règnent à l’extérieur. Pour le chocolatier, il lui fallait retrouver une nouvelle façon de travailler en acceptant de ne pas s’infliger la pression de l’efficacité et de la productivité. Le rapport au temps doit être respecté. Le travail monastique est essentiel pour atteindre un certain niveau de méditation et de contemplation.
Pour la première fois, des religieuses se sont livrées volontairement à la caméra pour exprimer les raisons qui les avaient amenées à quitter la vie laïque, et expliquer leurs préoccupations philosophiques et spirituelles de leur vie intérieure et ainsi que leur quête de la vérité dans leur vie de foi monastique. Point d'évangélisation. Le mot de Dieu n’a jamais été prononcé explicitement, cependant sa présence dans la nature environnante et la sobriété des décors de l’abbaye se devine facilement.
Sur le moment, je ne saurais pas dire si le film m’a plu ou non, car là n’est pas la question. Il s’agissait d'abord d’écouter la parole de ces sœurs, de comprendre que leur renoncement à la vie active ne signifiait pas la paix de l’âme mais qu’au contraire elles poursuivaient une quête intérieure permanente de recherche de pauvreté et de dépouillement de l’avoir et du temps pour trouver le bonheur de l’essentiel, plus d’être dans la vie et aussi plus d’amour altruiste.

Après la séance il m’est venu à l’esprit que j’avais là la preuve qu’un autre modèle de vie que le notre est possible. Le renoncement à plus de croissance, plus de consommation est envisageable sans que ce soit la fin de l’humanité. Ce nouveau paradigme contestataire passe par de petites communautés capables de vivre en autarcie en renonçant à la course au temps et à la richesse. Je crois que les moines et moniales préservent depuis plus de 1500 ans le secret de la survie de l’humanité confrontée aux limites des ressources de notre planète.

Emylia

15 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je sais, Emylia, votre attachement à la vie contemplative en général (ce dernier billet le montre encore) et à Ste Thérèse d'Avila en particulier. L'émission " Le jour du Seigneur " sur France 2 ce matin avait tout pour vous plaire. La messe était célébrée dans un des Carmel de France (Saint Maur, Jura) pour le début de l'année de célébration de l'année jubilaire ( 500 ans ) de Ste Thérèse. Homélie très intéressante. Présentation ensuite des écrits de la sainte et de son itinéraire spirituel.
    Vous avez d'ailleurs peut-être vu ça comme moi.
    On peut demander le texte de l'homélie en écrivant à:
    "Jour du Seigneur" Service des homélies. 45 bis rue de la Glacière, 75013 Paris
    (Ceci pour les lecteurs de ce blog qui voudraient le demander.)

    Bon dimanche.
    Thérèse.

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  2. Bonsoir Thérèse,

    Merci pour le renseignement.
    J'ai trouvé le texte de l'homélie sur internet :

    http://www.lejourduseigneur.com/Replay/Dimanche-dernier/Texte-de-l-homelie

    Bonne soirée.

    Emylia

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  3. Bravo Emylia et merci. Th.

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  4. Me voilà en train de relire « Si je dis credo » de Maurice Bellet, avec une plus grande lenteur donc une plus grande attention que la première fois.

    Je cite ce paragraphe de M.B. qui semble préciser ce que signifie croire en Dieu et ce qu’est l’épreuve :

    On s’attendrait à ce que le croyant dise : je crois que… (avec tous les risques du croire). Par exemple il croit que Dieu existe, qu’il est comme ceci ou comme cela, etc. Mais le croyant dit : Je crois en Dieu. Ces deux lettres changent tout. Elles nous rappellent à pleine force que la foi est dans un espace de relation à … disons-nous : un autre sujet ? Pas de précipitation ! Tenons-nous-en à ce qui s’impose : croire est une relation à une parole, une parole écoutée, entendue, et par là, à ce ou celui ou celle qui se tient en cette parole, mais n’est plus du tout en la situation de l’objet-à-connaître.
    Dirons-nous : le Je de la foi est le sujet religieux ? Mais ce qui est en cause, d’après le principe Évangile, dépasse tout à fait l’espace religieux, tel que nous le connaissons. Il s’agit de la Voie où je suis engagé tout entier dans le chemin initiatique qui, littéralement me donne de vivre. […]
    Le lieu de la relation est la Voie et l’urgence de ce qui me donne d’être qui je suis, l’épreuve de vérité qui ne sera pas le doute, qui suppose un douteur, mais l’absence, le vide qui ne peut être que le silence.


    Fin de citation.

    Emylia


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  5. Bonjour,
    Je viens de lire attentivement cette citation . Tout à fait d'accord avec les premiers paragraphes qui méritent quand même d'être repris souvent pour bien s'en imprégner. La dernière phrase me donne du fil à retordre. Je vais y penser...dans le silence pour le moment, puisque la condition conseillée, nécessaire, je ne sais comment dire.

    Bonne journée.
    Thérèse.

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  6. Correction encore : "Puisque c'est la condition nécessaire..." En ce moment, je cours après le temps car j'ai du retard à rattraper et ne me relis pas assez. C'est idiot !
    Th.

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  7. Bonjour Thérèse,

    J'ai choisis de laisser cette partie de phrase "qui suppose un douteur", mais j'avoue que je ne comprends pas bien cette expression et qu'elle me déroute.
    Juste pour rajouter mon propre commentaire : que l'urgence, l'épreuve soit l'expérience de l'absence, du vide et du silence n'est autre pour moi que la nuit de la foi : ténèbres avant la conversion, et éventuellement après car il n'y aucune garantie d'une présence permanente pour toujours qui rassure.
    Et je pense ici à Thérèse de l'enfant Jésus ...

    Je rajouterai peut être ce soir une partie complémentaire de ce texte qui éclaire un peu. Mais je ne l'ai pas sous la main actuellement.

    Bonne journée.

    Emylia

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  8. Bonjour Emylia,

    Oui, j'ai compris comme vous l'absence, le vide, le silence, comme la nuit de la foi telle que l'ont vécue Ste Th. de l'Enfant Jésus et d'autres. C'est vraiment une grande épreuve et c'est peut-être à la rencontre de cette expérience que l'on peut dire si on a la foi ou pas? Si on accepte l'épreuve et qu'on reste fidèle on a la foi car le fait de rester fidèle à Dieu dépasse toute autre considération .Est-ce ce que veut dire M. Bellet ? Sans doute.
    Je dois encore y réfléchir encore, mais votre intervention m'a aidée.
    Quant au douteur, je m'interroge aussi. J'ai cru trop vite avoir compris. Le douteur ne peut rester silencieux, sinon quelle relation subsiste? Il crie son désarroi à Dieu . Peut-être ne peut-il le faire vraiment que s'il vit dans une certaine profondeur, profondeur qui ne peut exister que dans le silence?

    En effet, une partie du texte complémentaire nous aidera sans doute.
    A bientôt.
    Thérèse.

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  9. J'ajoute:
    On peut envisager le silence de Dieu, et le silence du douteur. Celui-ci pourrait être le silence des bruits autour de lui qui le distraient, mais non le silence envers Dieu à qui il continue de parler...ou son silence envers Dieu qu'il cesserait de prier.
    La dernière phrase me parait aller plus loin. Il s'agirait alors, si on parle aussi du silence de celui qui est au -delà du doute ordinaire, de l'épreuve de vérité sur soi-même et non pas à propos de Dieu? Que M. Bellet parle de ce problème ne m'étonnerait pas.

    Je ne sais si j'ai été claire moi-même. Je tächerai de l'être plus la prochaine fois en étant plus concrète peut-être.
    Thérèse.

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  10. C'est encore moi, décidément, je ne comprends pas.

    J'ai supposé que M. Bellet dit que le lieu de la relation , c'est le vide ou le sentiment de vide chez le croyant, et le manque de manifestation sensible de la part de Dieu. Le croyant serait dans la même situation que Jésus sur la croix quand il dit: "Mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné ?"
    La relation n'est pas morte, chacun se tient en présence de l'autre, au delà du langage. Jésus interpelle le Père mais ce n'est pas un échange, une conversation. Il récite là le verset d'un psaume qui correspond à ce qu'il ressent. Ce n'est pas une conversation. Ils communient, le Père et lui, dans une même souffrance; En fait quand Jésus se plaint de l'abandon du Père, il crie sa souffrance et est en union totale avec lui. Il est au bout du bout de l'accomplissement de sa volonté et le Père est au bout du bout de ce qu'il peut supporter comme souffrance chez son fils car il l'aime infiniment et/mais aime autant les hommes, tous les hommes réunis et ne peut pas renoncer à ce sacrifice du fils puisqu'il est nécessaire au salut des hommes.

    Qu'en pensez vous ?Et nous là dedans?
    Comment comprendre: "...la Voie et l'urgence de ce qui me donne d'être qui je suis" ?

    Ah, si Maurice Bellet était plus facile à lire, comme je serais heureuse ! Je sens qu'il a des choses intéressantes à nous apprendre mais je ne suis jamais sûre d'avoir compris. Il faudrait que quelqu'un le traduise en langage plus accessible, un vulgarisateur autrement dit car c'est frustrant ce sentiment de passer à côté.

    Bonne soirée.
    Thérèse.

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  11. Bonsoir Thérèse,

    Je crains avoir peut être coupé un passage important.
    Je ne crois pas que la relation soit équivalente au vide, au manque de manifestation de Dieu.
    La relation me semble naitre du désir de vivre et que la vie ne peut s’envisager qu’au travers d’une relation ou même plusieurs (mais toutes aboutissent au même point singulier). Si l’on perçoit une parole (au delà du silence ou du bruit), ou bien une lumière (dans les ténèbres), alors il y a forcément un émetteur de cette lumière ou parole qui existe. Accueillir cette parole ou lumière, c’est accepter cette relation. Cette relation qui sauve de la mort de l’âme, qui relève de l’en-bas.
    J’éprouve moi même le sentiment confus et subjectif que plus j’établis des relations riches avec autrui, plus je suis au cœur d’un réseau de relations vraies, plus je sens mon existence nécessaire et non contingente.
    Maintenant je raccroche un passage de M.B. qui vous manque probablement :
    « Que signifie cette relation supposée ici comme tout à fait première ?Il ne s’agit pas de l’idée de relation, comme l’on croit philosophiquement, que la relation est le concept majeur qui éclaire l’être à l’existence. Il s’agit d’une relation réelle à … et c’est ce qui suit ce « à » qui détermine ce qu’est cette relation. La différence se connaît aussi bien en l’amour : qui ne consiste pas à penser sur l’amour, mais à aimer quelqu’un ou en être aimé. »

    Donc j’ai l’impression que M.B. veut distinguer ce qui est de l’ordre du discours sur… (théorie, dogme), par rapport à ce qui est vraiment vécu de l’ordre de la relation à ..
    Quand à « la Voie et l'urgence de ce qui me donne d'être qui je suis ? »
    Je le comprends de la façon suivante. Si je n’accueille pas la parole ou la lumière, je me coupe de toute relation réelle à quelqu’un, donc je choisis la mort. Mais si par un sursaut de vie, une pulsion de vie, je réalise que je suis devant un danger mortel, alors j’accueille la parole et je m’accroche désespérément à cette relation qui me tire du néant comme un naufragé qui s’accrocherait à un radeau.

    Je ne suis pas sure de répondre à toutes vos interrogations.
    Bonne soirée.

    Emylia

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  12. Oui, j'aime bien cet au delà du language, qui signifie qu'il y a quelqu'un. Je crois que je viens de lire des phrase similaires chez le poste Jean Grosjean il y a quelques jours. Il fautait que je les retrouve.

    Emylia

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  13. Au sujet de la parole entre père et fils:

    Jean Grosjean, poète qui commente l’évangile de Jean dans « Ironie Christique » explique le prologue de la façon suivante (extraits) :

    - Les hommes oublient que Dieu n’est pas Dieu parce qu’il a inventé le monde, parce qu’il a crée quelque chose, non, Dieu est Dieu parce qu’il est en conversation et qu’il y a du langage chez lui.
    - Celui qui écoute et celui qui parle sont différents. Le langage ne supprime pas la distance entre eux. Au contraire, il la rend sensible, consciente et sainte.
    - Si le Dieu qui parle est le même que le Dieu qui écoute, son langage fonde en lui, par la différence des rôles, une sainte distance.
    - Immense risque du langage qui va de l’un à l’autre et qui ne peut être qu’autre dans l’autre. Étonnant inconfort du langage qui n’est que passage. Non trajet de qui parle à qui écoute, mais transformation de soi.
    - La nature de la parole est de se perdre en route et de n’atteindre sa cible qu’une fois devenue étrangère à sa source, malgré la fidélité forcenée à la source à laquelle elle se voue.
    - Le langage appartient d’abord à l’un et ensuite à l’autre.
    - Celui qui parle est modifié par ce qu’il dit comme celui qui écoute par ce qu’il entend.
    - Ainsi bien qu’en Dieu, l’un soit le même que l’autre, il ne l’est pas de la même façon, ce qui laisse au langage la totalité de son risque. Et bien ce risque est l’intimité de Dieu, car le langage était d’abord chez Dieu.


    (Rapporté par Emylia et non écrit par Emylia)

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  14. Bonjour,

    Ce devait être plutôt confus dans ma tête hier soir et je me suis sans doute mal exprimée car je conçois tout à fait la relation come vous. Les relations avec les autres me donnent de la force aussi, force qui vient d'En haut par les autres, je le sens.
    Je ne regrette rien pour autant car , de façon inattendue pour moi, je me suis lancée dans une méditation sur la Passion du Christ. Quand je commençais à écrire, je ne savais absolument pas que j'allais vers ça. Tout à coup l'Amour du Père et du Fils entre eux et l'Amour de Dieu pour les hommes m'a paru si immense que j'ai eu une bien plus grande conscience que c'est là le début et la fin (le but) de tout. J'en suis encore toute remuée et ne peux réfléchir plus loin pour le moment car il me semble que c'est la clé de tout.

    Je vais réfléchir à ce que vous nous proposez de nouveau, mais j'ai du mal à suivre le rythme car ce ne sont pas des sujets simples, loin de là. ( Et je n'ai pas encore lu votre article d'aujourd'hui ! )

    Bonne journée.
    Thérèse

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  15. Bonjour Thérèse,

    Je vois bien que vous êtes plongée dans une méditation de la passion du Christ, probablement parce que vous réfléchissez au sens de la souffrance et que la prise ce conscience déclenche la révélation d'une relation d'Amour qui sauve du néant.

    Je ne garantis pas du tout que mon prochain message arrivera à évoquer cette difficile question.

    L'article d'aujourd'hui avait besoin de sortir pour compléter le précédent.

    Je vois en lien entre la subversion dont nous avons parlé et la contestation, le sujet du jour.

    Bonne journée à vous.

    Emylia

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