samedi 12 octobre 2013

La banalité du mal


Dans le christianisme, la question du péché originel m’a toujours fortement intriguée. Car tout de même ! Comment est-il possible d’imputer à toutes les générations humaines successives, la faute d’Adam commise sous la forte incitation d’Êve, elle même influencée par Satan ? On peut avoir du mal à admettre que même des âmes innocentes devraient porter la culpabilité éternellement ! Pour la plupart d’entre nous, nous ne sommes ni vraiment de grands Saints ni des très Méchants. Nous essayons seulement de devenir un peu meilleurs ou plus justes.  Donc  je vois dans la notion de péché originel ou du mal un symbole ! Mais que peut-il bien nous signifier ?

Cette année 2013, un film est sorti sur Hannah Arendt, nous rappelant à l’occasion, qu’elle avait inventé le concept de « la banalité du mal » à l’occasion du procès de Eichmann en 1961.

Michel Terestchenko, philosophe a fait paraître un CD sur le Mal que je viens d’écouter. Dans ce CD, il mentionne l’expérience psycho-sociale de Milgram, réalisée à l’époque du procès. Cette expérience a été réitérée récemment dans le cadre d’un pseudo jeu de télévision français, pour illustrer de façon très troublante la mise en œuvre de cette banalité du mal. Ce type d’expérience montre comment dans certaines situations de manipulation très perverse, des personnes tout à fait ordinaires comme nous le sommes, peuvent se transformer inconsciemment en monstre criminel.

Ce genre de manipulation est facile à opérer car nous avons été conditionnés à l’obéissance depuis la plus tendre enfance. L’obéissance est absolument nécessaire pour la cohésion de la société. Instinctivement, nous respectons l’autorité, nous offrons spontanément nos services pour collaborer à ce qui nous semble être le bien ou l’intérêt commun. Du coup, nous sommes capables de devenir complice ou même acteur du mal extrême, en toute bonne foi. Sous des contraintes extérieures, nous n’osons pas défier l’autorité pour devenir des contestataires, même si l’on ne risque aucune conséquence désagréable.
Je vous mets un lien http://www.youtube.com/watch?v=pau7aDYrxFw sur un reportage (1h30) très édifiant et choquant sur ce sujet qui est paru l’année dernière sur le net. Ne croyez pas que ce genre de manipulation soit du seul apanage de la télévision.

Michel Terestchenko affirme que ce genre de manipulations perverses se produit probablement tous les jours dans le monde du travail, dans l’indifférence générale. Si les gens étaient mieux informés, ils se laisseraient moins manipuler et se rebelleraient contre des ordres scandaleusement inhumains.

Pour moi, le concept de péché originel doit nous rappeler que même si nous ne sommes pas auteur d’un mal, même si nous n’y trouvons aucun intérêt personnel, il y a toujours un risque de se rendre complice d’un mal naïvement par manque de discernement. Aucune vie  ne peut échapper à la tentation.

Combien de juifs se sont rendus complices du meurtre de Jésus, parce qu’ils ne pouvaient imaginer que leur dirigeants religieux pourraient les tromper sciemment et serraient capables de condamner à mort un innocent. C’est pourquoi Jésus leur a pardonné parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

8 commentaires:

  1. Merci Emylia pour cette réflexion et ce lien sur youtube.
    Ce matin à la messe, ma prière au christ à été en remerciement et en communion à Thierry et vous tous qui étiez surement dans l'une où l'autre église du monde!! à prier pour nous tous.

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  2. Un très beau livre à lire à ce sujet! c'est un roman mais il est très dure car inimaginable mais super!! je peux le dire car c'est une situation que nous avons vécue!! c'est de Laurent Gounelle "Le Philosophe que n'était pas sage".
    Concernant le lien sur youtube ,nopn je n'aime pas du tout de regarder ce genre de chose!!! je préfère ce qui est Beau et Bon!! désolée Emylia. Mais merci pour le reste

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  3. Merci Emylia. En effet le mal peut se commettre aussi inconsciemment que consciemment. Mon époux et moi sommes engagés dans l'écoute et l'accompagnement spirituel et nous voyons le mal de près. Il nous arrive même d'avoir à le chasser tant sa victime souffre. Grâce à la Parole de Dieu et à la prière nous y arrivons, mais il faut beaucoup persévérer car le mal est tenace. Il vient pour rester, dévorer et détruire tout le bien qui a été semé. Il a un pouvoir de ruse extraordinaire et est capable d’aveugler un être ordinairement bon et le faire commettre des méchancetés que normalement on ne lui attribuerait pas. Avoir confronté le mal en soi aide considérablement, non seulement à le détecter mais à le démasquer et le chasser. Le mal existe en chaque être humain, il ne faut pas se leurrer et c’est pourquoi il ne faut pas le banaliser, mais le confronter pour l’enrayer. Nous savons bien que l’arme contre le mal c’est l’amour, l’amour par le pardon et la réconciliation. Aime celui qui est aimé. Pardonne celui qui a été lui-même pardonné. Une fois cela fait, le sacrifice de la croix et les paroles du Christ en croix prennent tout leur sens. Mais voilà, de nos jours, qui Le connaît ? Qui veut Le connaitre ? Et même ceux qui disent Le connaitre, qui pratiquent leur ‘religion’ comme il faut, n’obéissent plus à Ses préceptes d’amour, mais obéissent à ceux qu’institue l’homme ! Notre société ne craint plus Dieu mais l’homme. Voilà son problème. Elle ne met plus sa confiance en Dieu mais en l’homme. Voilà pourquoi elle est facilement conditionnée à tout système institué par l’homme quand bien même ce système ne prêche pas toujours l’amour et la miséricorde, mais la punition et la cruauté de la punition. Elle lui obéira c’est sur. Ceux qui doivent subir l’injustice, et là je me permets de parler un peu pour nous, nous qui devons subir la punition d’être exclus des sacrements, savent bien à quel point l’homme peut être indifférent à la douleur de son prochain et cruel dans ses agissements. Rien que parce que le système a institué la règle, il faut s’en tenir à la lettre, sans faillir et sans se permettre aucun sentiment ne serait-ce qu’un peu de pitié. Notre système attache l’homme. Il lie ses poignets et le voilà emprisonné, toutefois de son propre gré car l’homme est libre et il semble l’avoir oublié. Souvent je me demande pourquoi Jésus a souffert sur la croix et pourquoi Dieu a fait naitre à ce moment, la miséricorde, si ceux qui devraient se souvenir et en user le plus, ne le font pas ? Oui, l’homme sert l’homme et Dieu qui l’a créé dans tout ça ? Voilà un peu mon sentiment à cette ‘banalité du mal’ qui est, et je vous félicite de l’avoir mis en avant, un sujet à être médité par chacun, malgré qu’il ne soit pas très réjouissant. Mais la joie du chrétien est résistante. Rien ne pourra le séparer de l’amour, s’il se souvient où est sa loyauté et à qui il doit obéir. Bonne semaine en Christ et amitiés à tous et toutes des 'ex' de Thierry :)
    doris +

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  4. Bonjour Emylia, bonjour à tous,
    Je suis bien d'accord sur cette idée du mal commis naïvement, en croyant bien faire, par manque de discernement. ( "L'enfer est pavé de bonnes intentions" dit-on)
    Et donc par manque de prière. La prière silencieuse, qui demande de prendre un peu de temps, nous permet de nous poser et nous rend plus attentif au monde qui nous entoure, à l'autre.
    Le manque de discernement c'est aussi s'enfermer dans ce que nous croyons être vrai et juste, une fois pour toutes, sans changer son angle de vue.

    Dans La Vie de cette semaine un soldat raconte comment il a tué, pas seulement pour sauver sa vie, en pensant bien faire. Bien faire son travail de soldat, être celui qui combat le mieux l'ennemi.

    Vous avez sans doute vu qu'il va y avoir un changement dans le Notre Père. Nous dirons désormais ( à partir du 22 Novembre) " ne nous laisse pas entrer en tentation". Enfin! A Taizé on dit depuis longtemps "garde-nous de la tentation", ce qui est encore plus clair me semble-t-il.

    Le péché originel m'intrigue aussi. Plutôt qu'un symbole j'y vois un point de théologie, une façon de dire que l'homme est pêcheur, et de remonter au mythe d'Adam et Eve pour l'illustrer. Notre baptême nous fait repartir à zéro, lavé de tout péché.

    Bonne fête Thérèse! (Si Sainte Thérèse d'Avila est votre sainte patronne, selon l'expression consacrée.)
    Bonne journée à tous



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  5. Béa, j'aime bien votre manière de décrire 'le péché originel' - point de la théologie chrétienne certes. Oui l'homme est pécheur et l'illustration du premier homme en face de la première femme et de la tentation est bonne. Je m’y sens confortable. Toutefois je me laisse interpeller sur ce que vous dites du baptême : "il nous fait repartir a zéro, lavé de tout péché" - or le péché, du moins le mal qui nous le fait commettre, est gravé en l'homme, tout comme le bien l'est. Je ne crois pas qu’il puisse s’en débarrasser tout à fait. Et quel est le rôle du baptême dans tout ça ? Du moins de l'acte lui-même - qui nous lave de tout péché, nous fait repartir à zéro, surtout que chez nous les cathos nous le recevons pratiquement à notre naissance alors que nous sommes encore inconscients du bien comme du mal. Ne serait-ce pas quand notre idée de la foi que nous avons héritée a murie et grandie, quand notre foi elle-même a fait un long parcours dans la rencontre avec Le Bien et le Mal, et que le désir de ne plus pécher nous étreint et nous oblige à rester loin, à choisir de faire le Bien, que la purification commence par se faire ? En quoi le baptême comme il nous l'est donné quand nous sommes touts petits, peut-il nous aider ? Ou alors parlez-vous du baptême en esprit ? Baptême que l'on reçoit bien souvent inconsciemment – quand notre esprit et notre cœur se sont ouverts ӑ la grâce suite au péché, à un mal commis ? Jésus a reçu le baptême à l’âge adulte et cela Lui a servi à combattre Satan 100 sur 100, si je puis m’exprimer ainsi. Pourquoi ne pas L’imiter en tout et pour tout ? Ceci dit je pense que nous avons été mal élevés. Qu’en nous obligeant à suivre trop de règles et à croire en trop de dogmes instituées par les hommes, nous avons perdu le sens de la vraie obéissance – l’obéissance qui nous invite à croire et faire confiance absolue en un Dieu Miséricordieux plutôt que vengeur ; que nous avons perdu le sens de la vraie crainte - la crainte de la perte de Dieu – de Son Amour – de l’amour en général. Car qui est l’homme sans amour ?

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  6. Je ne sais par où commencer après avoir lu tout ce qui précède!
    Béa, juste une parenthèse, j'ignorais ce changement du Notre Père et j'en suis ravie, mais je suis d'accord avec vous pour dire que cette version de Taizé me parâît beaucoup plus belle et intelligible. Pourquoi n'a-t-elle pas été retenue? J'y vois un petit clin d'oeil à mon quotidien, mes deux filles ados partent dimanche pour Taizé et j'espère qu'elles vont y trouver (et y apporter) toute la richesse dont tout le monde me parle à propos de ce lieu.
    Fin de la parenthèse! :) En lisant le billet d'Emylia, je voulais vous parler d'une autre lecture sur le même thème qui m'a fortement marquée. Il s'agit d'un roman d'Eric-Emmanuel SCHMITT, "La part de l'autre". Le postulat de départ est osé mais simple. Adolf Hitler a échoué à l'exament d'entrée aux Beaux Arts (c'est véridique). Que ce serait-il passé s'il y avait été admis? Tout le livre est construit sur une alternance de chapitres, l'un avec la biographie d'Hitler, l'autre avec cette biographie inventée. La typographie est diffréente selon que l'on est dans dans l'histoire ou dans l'imagination de l'auteur, mais au fil des pages, on en arrive à oublier quel chapitre est vréidique, et c'est là à mon avis toute la force de ce livre. Prendre un personnage symbolisant le mal à l'échelle de la planète, et montrer que ce mal peut parfois résulter d'un enchaînement de hasards, de frustrations, de rencontres... Soyons bien clair, l'écrivain ne justifie pas ce qu'a commis Hitler, il nous incite juste à réfléchir justement sur cette apothéose du Mal avec un grand M. On ne naît pas monstre, on le devient?... Troublant.
    J'avoue que cette notion de péché originel m'a toujours interpellée. Que nous soyons tous susceptibles de faire le mal, même en toute bonne foi, j'en suis persuadée. Mais que nous ayions à être lavés, purifiés d'un péché originel me pose question. J'aime à dire aux enfants ou aux jeunes qui me sont confiés que l'homme est fondamentalement libre. Libre de croire en Dieu, qui ne s'impose pas à lui, libre de faire le bien ou le mal. Cette liberté nous rend responsables de nos orientations, elle peut être effrayante aussi. Mais je la vois (et la transmets) surtout comme une chance. On est libre de s'écarter de Dieu par moment, il ne nous repoussera jamais, son Amour est infini. Et puisque nous avons cette liberté là, le corrolaire à mon avis est que la Foi chez les jeunes générations (chez nous aussi leurs parents ou jeunes grands-parents) est un choix personnel, parfois individuel au sein même d'une famille, parfois partagé. Nous n'avons plus la crainte de Dieu au sens où mes grands-parents l'avaient (désobéissance = péché = enfer) mais nous avons la craine de perdre lAmour de Dieu, de nous éloigner par notre propre volonté de cet Amour, comme le dit si joliment Doris.

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  7. Vous avez raison Laurence, le plus beau cadeau de Dieu à l'homme après sa création c'est bien sa liberté - toutefois un cadeau dangereux quand on le laisse entre les mains d'un enfant ou d'une grande personne qui n'a pas grandie - et oui, une chance, une vraie aubaine quand on sait s'en servir pour la gloire de Dieu et le salut des hommes.

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  8. Il est probable que le mal et le bien s'apprennent.
    ( ou que le bien se désaprenne ou tombe dans les ténèbres).
    Ce n'est pas un petit enfant qui peut découvrir seul :
    « Aimez-vous les uns les autres ».
    Puis Mathieu XXV nous rappelle la parole de Jésus :
    « Je vous dis en vérité,toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits,c'est à moi que vous ne l'avez pas fait » .
    Quand on fait le bien (ou le mal) à autrui , on le fait ipso-facto à Dieu et à Jésus ; cette parole de Mathieu m'a profondément ému.
    Celà pourrait supposé que le mal commence quand on oublie ou que l'on s'écarte les Evangiles.
    Le mal ne peut pas être banalisé tant que les Evangiles guident les hommes.

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Emylia