dimanche 21 décembre 2014

La bonté

La bonté ! Quelle qualité étrange de nos jours. Ne serait-elle pas suspecte, motivée par un intérêt caché, peu avouable ? Ne ferait-elle pas une concurrence déloyale et illégale à quelques services marchands ?
Notre république a inventé la charité démocratique forcée. Cette charité démocratique forcée s’appelle impôts, cotisations sociales redistribution. Cette charité démocratique est une sorte de pacte social, un devoir auquel tout citoyen doit se soumettre pour l’intérêt commun. Cette charité a été reconnue d’utilité publique en son temps comme une nécessité pour la cohésion de notre société laïque, démocratique et républicaine. Je pense particulièrement à cette époque pas si lointaine, au sortir d’une sinistre période où sous l’égide du conseil national de la résistance en 1944, les idées les plus généreuses de partage ont été votées, en dehors de tout cadre religieux d’ailleurs.
Aujourd’hui, parce que nous vivons une grave crise économique sans précédent, nous devrions remettre en cause notre modèle redistributif, ne plus supporter de payer des impôts qui payent l’école aux enfants des autres, refuser de payer des cotisations sociales qui permettent aux malades de se soigner ? L’adjectif  «public» est en train de devenir une hérésie, qu’il faudrait remplacer par le mot « privé».
Certains mouvements essayent d’inculquer l’idée que l’attitude humaine normale et naturelle est l’égoïsme. Le monde des hommes, comme celui la nature est impitoyable, au sein duquel doivent régner les lois de la sélection naturelle.
Où réside le véritable progrès de l’humanité : dans l’égoïsme ou dans la solidarité (passive ou active) ?
Si nous avions la possibilité de voter explicitement, entre égoïsme ou solidarité, par référendum, je ne suis pas convaincue que l’égoïsme l’emporterait. Nous n’avons pas perdu la mémoire de qui nous sommes. Nous n’avons pas oublié que nous sommes les héritiers d’une longue histoire solidaire qui a pris ses fondements dans la révolution française. Elle même est née d’un humanisme culturel qui avait ses racines dans plus d’un millénaire de christianisme aux valeurs évangéliques.
J’aime entendre l’Église, le pape, rappeler aux puissants et autres princes de ce monde que tout n’est pas permis en matière d’égoïsme.
L’Église n’est pas seulement cette institution de pouvoir religieux à l’organisation hiérarchique tentaculaire. Elle est une communauté chrétienne religieuse et laïque qui croit que la société humaine n’est pas durable sans un minimum de valeurs évangéliques de bienveillance et de partage.
Je vais raconter une histoire que l’on m’a rapportée.
C’est l’histoire d’une religieuse qui ne vit pas dans un monastère. Elle s’est installée dans un territoire abandonné par la république et les services publics, privés et aussi de l’Église. Ce territoire s’est vidé de sa jeunesse désœuvrée. Il ne restait plus que les personnes âgées abandonnées par tous. La religieuse ne possédait rien, si ce n’est qu’une voiture qui lui permettait de maintenir un lien de vie. Elle apportait les médicaments aux vieux, pratiquait gratuitement des soins indispensables d’infirmière. Elle s’occupait de la toilette des indigents matin et soir. Elle était toujours prête à rendre service et à se dévouer sans compter, ses jours et ses nuits.
Ces gens n’étaient pas forcément des croyants ; ils étaient même plutôt athées. Comment auraient-ils pu pratiquer une religion sans messes, sans eucharistie ? Cependant ces pauvres gens n’avaient pas besoin de discours de slogans pour percevoir une réalité christique.
Mais la vraie foi n’est-elle pas de croire que la bonté gratuite est non seulement possible mais bien réelle ?
« Car le premier lieu de cet humain, c’est bien cette communion, dont l’immensité, l’heureuse démesure se montre en ce qui est le plus simple et le plus concret : le voir, l’entendre, le toucher ; engendrer, nourrir, soigner, écouter, parler. Accueil premier que rien ne peut détruire. Cela dépasse la bienveillance et la compassion. C’est cet Amour là que l’on ne peut cesser de louer, de répéter – de vivre comme ce qui fait le sel de l’existence, le souffle, la primitive et indestructible gaité. C’est bien plus que le sens de la vie. C’est la vie elle même.
C’est croire en l’homme. Vraiment : la foi, avec ce qu’elle a de fragile en nous et d’indestructible en elle même. Mais ce n’est pas une croyance ou une thèse : c’est la présence aimante où chaque humain pourra gouter qu’il est reçu, avant et au delà de tout, ayant cette place unique qui est lui-même. » (Maurice Bellet, L’explosion de la religion, 2014).

Emylia

   

1 commentaire:

  1. Merci pour ce bel article Emylia. J'ai aimé vous lire et je suis en phase avec vous.
    Maurice Bellet vient de sortir " Foi en l'humain"
    Très belle et heureuse fête de Noêl à vous tous qui êtes de temps à autres sur ce blog.
    MERCI Emylia.
    Mamou

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