mercredi 19 mars 2014

Écriture, Foi et addiction

Vous ne me croirez sans doute pas, mais j’ai toujours eu beaucoup de mal à écrire. J’ai souvent obtenu des notes très médiocres en français. J’ai connu la sècheresse d’idées, les difficultés à trouver des mots, à former des phrases. Encore aujourd’hui, je peine encore à remplir des dossiers pour l’administration dans lesquels je suis supposée me vanter de l’excellence de mon travail et de celui de mon équipe et de la convaincre pour qu’elle m’accorde le budget qui nous est nécessaire pour travailler. Aujourd’hui, bien plus qu’avant, je ressens beaucoup de scrupules à devoir utiliser en permanence la vanité pour me justifier. Je me dis que je suis une chrétienne plongée dans le monde et que je dois me conformer aux  règles du monde dans la limite de ma conscience, pour que mes collègues puissent avoir un travail. Mais mon attitude conciliante heurte de plein fouet mon éthique chrétienne. J’ai de plus en plus de mal à supporter l’hypocrisie de devoir me vendre comme une vulgaire marchandise. Pour arriver à écrire, je dois réfléchir longtemps pour trouver les bons arguments, me forger un scénario cohérent, structurer le plan de mon texte, former les phrases et trouver les mots qui vont bien ensemble. J’ai conscience de faire souvent de la pure rhétorique, vide de toute impulsion de vie (on pourrait dire une parole  désincarnée et morte).
Curieusement, je ne fonctionne pas du tout de la même façon dans l’écriture de mes messages sur ce blog. Les idées d’articles foisonnent. Les phrases, les mots, la structure se mettent en place facilement sans que j’aie à les travailler longuement. J’ai vraiment plaisir à sonder ma vie de l’intérieur avec l’écriture qui se matérialise en encre noire sur les pages blanches. Parfois, je lis des phrases que je n’ai pas l’impression d’avoir pensé en moi-même. Je les découvre en me relisant. Je n’en reviens pas de cette autre forme d’écriture « automatique » que je ne me connaissais pas avant.
J’ai comme l’impression que dans le premier cas, le texte est strictement contrôlé par la raison critique alors que dans le second cas, le texte me vient directement et librement du cœur comme une Parole qui se livre. Dans le premier cas, j’ai besoin de courage, de persévérance et je dois faire des efforts, alors que dans le second cas, j’éprouve un réel plaisir à écrire et à découvrir ce qui s’écrit devant moi.
Assurément l’écriture de la Foi et du cœur n’obéit pas aux mêmes lois que l’écriture de la raison. Suis-je dépendante (accro) ? Évidemment car je sens bien que c’est ainsi que ma Foi s’exprime et se développe, poussée par une nécessité intérieure mystérieuse. Devrais-je pour autant me sevrer de cette activité, par méfiance à toute forme d’addiction ? Et vous renonceriez vous à la Foi sous prétexte d’être dépendant du Christ ?
Bien sûr, j’admets qu’il y ait bien d’autres façons d’exprimer sa Foi. D’autres personnes sauront remarquablement s’exprimer oralement  sous la forme d’un dialogue vivifiant, sous la forme de prêches ou de conférences, sous la forme d’un enseignement de catéchèse, sous la forme d’un engagement fraternel solidaire, sous la forme d’activités pieuses ou de contemplation priantes.
L’essentiel est cependant d’exprimer humblement sa Foi sans prosélytisme provocateur. Elle nous a été donnée dans notre intérêt, certes gratuitement, mais aussi pour qu’elle soit communicative.

Emylia



18 commentaires:

  1. Je vous comprends car j'éprouve la même chose à propos de ce que j'écris sur ce blog.
    Il parait que M. Zundel donnait comme pénitence à la confession ceci:" Faites tout à l'heure une chose que vous aimez et offrez ce moment à Dieu " Cela pouvait être écouter de la musique, peindre, écrire ou autre chose...
    Dieu nous demande d'exploiter nos dons et TOUS, nous en avons;
    En quoi êtes vous heureux quand vous vous adonnez à une tâche ou une occupation?
    Chacun peut, je pense, répondre à cette question.
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  2. J'ai lu trop vite ce matin. je n'avais pas remarqué le côté "addiction" à l'expression de la foi . Au fond, ça ressemble au sentiment amoureux. Thierry en parlait assez souvent. Il écrivait qu'il ne pouvait pas se passer de parler des cours de catéchèse qu'il avait suivis, qu'il en parlait avec enthousiasme et était heureux quand il le faisait.
    C'est ce que je sens aussi en écrivant ici. Bien que j'aie bien conscience d'y occuper trop de place et que j'aie cette peur pour me freiner, je ne peux pas m'en passer facilement.
    Quand j'ai écrit quelque chose ici, je me dis: " Tiens, je ne savais pas que j'avais ça dans la tête !"
    La meilleure façon de me "soigner" serait peut-être que vous écriviez nombreux sur ce que vous ressentez vous-même.
    Ça vous ferait peut-être du bien d'exprimer vos enthousiasmes vous aussi ?
    Sinon, notre omniprésence continuera à quelques unes, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun intérêt à continuer ainsi.
    Qu'aimez vous? Vos goûts, vos passions vous rapprochent-ils de Dieu, des autres?
    Pardon, Emylia, si je me trompe encore sur le sens de votre billet.
    Bon après-midi;
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour Thérèse,

    Vous avez raison, quand on est amoureux, on a du mal à garder sa joie pour soi tout seul. On a envie de partager sa joie, d'en redonner un peu sans peur d'en manquer.

    Mes amitiés fraternelles.

    Emylia

    RépondreSupprimer
  4. Père Céleste : Tu parles à l'homme de bien des manières : Toi à qui seul appartient la sagesse et l'entendement, Tu veux pourtant te faire comprendre de lui. Et même quand tu gardes le silence, tu lui parles encore. Bénis donc aussi ce silence comme chacune de tes paroles à l'homme: veille qu'il n'oublie jamais que tu parles aussi alors que tu te tais ; donne-lui cette consolation, s'il s'attend à toi, que tu te tais par amour comme tu parles par amour, de sorte que dans ton silence comme dans ta parole tu es cependant le même Père, le même amour paternel, soit que tu guides par Ta voix, ou que tu instruises par ton silence.
    (Soren Kierkegaard). Danemark, 1813-1855;

    RépondreSupprimer
  5. Très beau texte ! Merci Florence. Je vais le méditer...en silence.
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour Thérèse,

    Lors d'une de mes retraites à Manrèse, l'exceptionnel Père Kobik nous a dit "que dans le silence la parole se fortifie", j'y pense souvent.

    Bonne journée à toutes.
    Florence.

    RépondreSupprimer
  7. Emylia, merci.

    "Le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas." L'Ecriture de la Foi est une inspiration de L'Esprit Saint. "Ne contristez pas l'Esprit" dit saint Paul. L'Esprit a besoin de s'exprimer, de souffler, de prier, et c'est à travers l'être qui s'abandonne à Lui qu'Il peut le faire. On voudrait s'arrêter d'écrire Dieu ou de parler de Dieu par crainte de bousculer, de déranger, mais c'est impossible car c'est Lui qui parle, c'est Lui qui écrit, c'est Lui qui enseigne, prêche... Il y a longtemps que j'ai compris cela. Dieu merci car alors je n'ai plus de crainte - je suis libre... j'écris je parle je fais ce qu'Il me dit de faire. C'est Sa Volonté à Lui L'Eternel qui compte, et non celle de l'homme, du mortel ! Merci Seigneur.

    Je vous embrasse tous et toutes
    doris +xxxx

    RépondreSupprimer
  8. Bonsoir Doris, vous avez parfaitement raison.

    J'en profite pour laisser de nouveau sur le blog, ces quelques lignes que je n'ai pas développé et qui constituent pour moi un cap à tenir:

    - "Ne pas se laisser accaparer par des préoccupations subsidiaires, maintenir ses inquiétudes à distances, ne pas se laisser envahir par certaines choses, accepter l’intrusion régulière du Christ dans sa vie."

    Je développerai peut être une autrefois.

    Je vous souhaites à tous une bonne soirée.

    Emylia

    RépondreSupprimer
  9. Bonjour Emylia, bonjour à ( tous ?) et toutes,

    Dire sa foi, permet de l'approfondir, je l'ai toujours remarqué. On sent son cœur s'agrandir. c'est une sensation qui n'est pas très facile à décrire. Au fur et à mesure que l'on parle ou que l'on écrit, les mots viennent de plus en plus facilement, les idées se font plus claires, et la joie devient de plus en plus consciente.

    C'est un peu comme si la foi avait besoin de se dire pour être vraiment vivante.
    Elle a, je crois, besoin d'être partagée pour exister et dépasser le simple " Oui, je crois que Dieu existe" , elle devient: "Je le crois, Lui ; je lui fais confiance ".
    La foi devient joie quand elle est dite.
    Il y faut parfois de la discrétion et toujours un grand respect. Elle peut se dire autrement que par des paroles.
    Quand c'est possible de parler, quel bonheur!

    "Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange."

    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  10. Entendu tout à l'heure à la radio: " On écrit pour savoir ce qu'on pense. "
    Th.

    RépondreSupprimer
  11. Bonjour Thérèse,

    C'est exactement ce que je pense :

    On écrit pour découvrir de ce l'on a en soi. Cependant, il me semble que lorsqu'on parle, on n'arrive pas à s'entendre soi même.

    Parler devant autrui demande une concentration énorme et on ne peut pas corriger ce que l'on dit.
    Alors que l'écriture peut se travailler jusqu'à arriver à exprimer clairement le message que l'on veut faire passer.

    Bonne journée.

    Emylia

    RépondreSupprimer
  12. Bonjour a vous toutes et tous,
    J'ai pris le temps de vous lire et tout ce que vous ecrivez est bien ce que je pense aussi. L'ecriture, la parole liberent, mais il y a aussi la musique ....
    Mais il y a aussi la beaute d'un spectacle naturel.
    Un jour alors que j'etais en Californie, nous sommes alles visiter un parc naturel et nous avons souhaite assister a un coucher du soleil dans le Grand Canyon.
    Il nous a fallu attendre plusieurs minutes pour assister au summum de ce spectacle.
    Il y avait un monde fou, assis sur des rochers, dans un silence total.
    Au fur et a mesure le soleil descendait, mon Mari et mes enfants ont jete un regar sur moi, car j'etais un peu a l'ecart de l'endroit ou ils se trouvaient, J'avais des larmes qui coulaient, tellement j'etais emue par ce spectacle grandiose, sauf qu'a un moment je ne sais pas ce qui m'a pris, le soleil s'etait couche, j'ai dit tout haut, Oui, Dieu existe vraiment. c'etait a une periode difficile de ma vie. Je me suis surprise a prier mais surtout a remercier le Seigneur devant tant de beaute. Pour finir, j'ai regarde autour de moi et j'ai vu des personnes agenouillees, en extase. Ensuite, lentement, le bruit est revenu, tout le monde est parti ...... c'etait un moment intense, une grace, le Seigneur s'est manifeste, a cet instant la, d'ou mon immense emotion.
    Enfin, c'est ce que j'ai ressenti. Merci d'avoir lu mon commentaire.
    bonne fin de journee et vous etes toujours Chretiens Anonymes, dans mes prieres.
    Nainai

    RépondreSupprimer
  13. Desolee pour les fautes "mes enfants ont jete un regard" avec un D
    Il m'est toujours aussi difficile de "revenir" sur ce que j'ecris car j'utilise une tablette.
    Merci pour votre indulgence et je sais combien vous en avez !!!!
    Nainai

    RépondreSupprimer
  14. Votre récit ,Nainai, de ce spectacle du coucher de soleil devant le Grand Canyon, est magnifique. Je m'y suis vue, alors que je ne connais ce site grandiose que par des photos ou la télévision.
    Oui, la beauté du monde conduit à ces moments d'adoration pure !On se sent alors tout proche de Dieu

    D'accord avec vous, Emylia, à propos de la différence que vous établissez entre la parole et l'écriture.
    Bon après midi.
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  15. C'est encore moi !
    Je viens de penser que le commentaire de Nainai rejoint tout à fait
    le texte de Kierkegaard que Florence nous a donné hier. Par la grande beauté de la création, Dieu nous parle tout en restant silencieux. Nous n'avons qu'à écouter , regarder, nous ouvrir....
    Thérèse.

    RépondreSupprimer
  16. C'est encore Nainai,
    J'ai omis de dire combien ce que j'avais ressenti devant une telle beaute naturelle, etait dit dans le texte de kierkegaard Soren, cite par Florence. Je ne connaissait par cet auteur. que c'etait dans ce silence assourdissant que le Seigneur s'etait fait entendre, au plus profond de moi. S'il m'arrive souvent de chercher sa presence, je ne peux le faire que dans le silence, la beaute d'un paysage, d'une eglise, ou je m'assure de la presence de la petite lumiere rouge qui temoigne de la consecration, d'une ambiance particuliere.... j'ai une emotivite a fleur de peau, c'est peut etre ce qui explique mon ressenti.
    Gardons nos emotions !!!!
    A bientot
    Nainai

    RépondreSupprimer

  17. Bonjour à tous,

    Paysages imaginaires,

    Lorsque je suis tombée gravement malade (au cœur de la ville urbaine), je me suggérais souvent l’idée que j’étais en train d’admirer des paysages naturels de toute beauté.
    Je me représentais plongée au cœur d’un paysage imaginaire que je composais de toute pièce. Ce paysage était d’une beauté indescriptible, rayonnant de tranquillité et d’apaisement.
    C’était un magnifique paysage de montagne de type alpin, en fin de journée, exposé au soleil couchant. Je me figurais être allongée dans un transat sur la terrasse d’un chalet, enveloppée d’une chaude couverture bien enveloppante.
    La terrasse était noyée dans l’ombre de l’un des versants. Je regardais le versant de la montagne d’en face, aux sommets enneigés, qui devenait luminescent sous l’éclairage des derniers rayons du soleil couchant qui dardaient. Je me représentais écouter le silence de la nature, troublé parfois par des mystérieux bruits d'animaux sauvages. Je ne pouvais arracher mon regard de cette vue rassurante et je faisais le plein de sérénité.
    Je crois que Dieu était présent dans cette inspiration. Il me cajolait dans sa divine douceur.
    Je ne savais pas qu’il pouvait être l’inspirateur de cette expérience intérieure.
    Bonne soirée.
    Emylia

    RépondreSupprimer
  18. Oui, Emylia, vous étiez certainement soutenue par Dieu à ce moment là, d'une façon plus active encore que d'habitude. C'est très frappant !
    Je comprends quel bien cela pouvait vous faire car vous réinventiez un des exercices que l'on fait faire souvent en séance de sophrologie pour se détendre et faire appel à ses ressources intérieures. Le saviez vous ?
    A savoir: s 'imaginer dans un endroit où on est très bien, beau, confortable, avec ses couleurs, ses odeurs éventuellement, ses sons harmonieux, lové(e) dans quelque chose de très doux, chaud . On est bien, au calme ( avec une respiration très régulière, non imaginée, elle...)
    L'âme, l'esprit et le corps sont appelés à ne plus faire qu'un.
    Tout y est dans votre description. cela me frappe beaucoup et je vais puiser dans l'expérience que vous décrivez avec tant de précision pour renouveler l'exercice que je pratique aussi , dans un autre décor, avec moins d'intensité certainement.
    La prochaine fois, je demanderai l'aide de Dieu avant de commencer... et.sa divine douceur, à lui qui voudrait pouvoir être toute tendresse pour chacun. Il nous faut nous abandonner.
    Merci.
    Thérèse

    RépondreSupprimer

Vous pouvez librement exprimer votre commentaire, sous réserve qu'il soit respectueux de tous. Vous pouvez choisir contribuer anonymement, sans la contrainte de vous identifier, sans avoir à vous pré-enregistrer quelque part.
Si vous contribuez en tant que participant anonyme, n'oubliez pas de laisser votre pseudonyme dans le corps de votre commentaire. Attention de ne pas dépasser la limite de 4096 caractères pour votre commentaire. Consultez la page consacrée aux commentaires pour plus de précision. Avec mes remerciements.

Emylia