Je lisais un livre (« notre univers mathématique ») d’un
physicien contemporain (Max Tegmark) qui raconte comment après avoir suivi des
études de commerce, il découvre avec étonnement la physique. Il réalise avec
émoi, que non seulement la nature se laisse décrire par le langage des
mathématiques, mais il pense surtout que l’univers est un objet mathématique.
Je pense que moi aussi dans ma jeunesse, je me suis laissée émerveiller par la
beauté et l’élégance de ce langage mathématique, qui décrit si bien la réalité
de la matière et sa dynamique. Je pense que ce succès des mathématiques peut
donner une illusion de puissance, comme bien des économistes pensent pouvoir
comprendre et contrôler les affaires humaines par certains modèles
mathématiques appelés théories. Je soupçonne ici un grand piège idolâtre. Aujourd’hui,
je ne peux pas supporter de me considérer comme l’un de ces objets
mathématiques inclus dans cet univers mathématique. Je perçois bien qu’en tant
qu’être vivant et mortel et libre, je dispose d’au moins une dimension
supplémentaire que celle de notre espace-temps familier et que cette dimension
supplémentaire ne se laisse pas appréhender par le langage des mathématiques.
Ma réaction vient aussi en écho au livre de Maurice Zundel (« Quel
homme et quel Dieu ») au chapitre 4
(« Les degrés du savoir »). On peut être un scientifique appliquant
un raisonnement strictement rigoureux, scrupuleux, suivant parfaitement à la
lettre la méthode scientifique. Il n’empêche qu’un scientifique n’en est pas
moins un homme ou une femme. Dans sa vie, il sera amené à faire des choix
moraux, réaliser des actes qu’il considère comme justes, s’engager
personnellement dans une cause humaine, sans invoquer la science pour conforter
abusivement son attitude ou comportement. En ce sens, un scientifique reste une
personne libre dont le choix entre être croyant, agnostique ou athée est
absolument indépendant de sa profession. Trop de personnes pensent encore que
la croyance religieuse est incompatible avec la raison scientifique, parce
qu’elles s’imaginent que la science pourrait contrôler ou expliquer à terme la
dimension spirituelle de l’être humain. Même si l’imagerie du cerveau est
capable de voir ce dernier en action physico-chimique, même si un enchaînement
causal d’une série de réactions est mis en évidence, je suis convaincue que
toute cette technicité ne parviendra jamais à expliciter la cause et la
finalité ultime de l’homme, le pourquoi !
Je pense qu’il est préférable de ne pas tout savoir sur soi. Une part
d’ombre est nécessaire pour vivre son humanité. Cette ombre permet l’espérance, la foi, donc l’amour.
Je ne crois pas qu’un objet mathématique ou technique puisse aimer un jour.
Emylia
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