Qu’elle différence y a t’il entre une vérité révélée et un dogme ?
Aujourd’hui la différence me paraît évidente. Il n’en a pas toujours été
ainsi !
Pour moi la première est une expérience humaine, l’autre est un savoir. Ces
deux termes désignent donc des concepts différents mains non antagonistes car
il me semble que le second doit soutenir la première.
C’est Dieu qui prend l’initiative de la vérité révélée. La vérité révélée
fait allusion à la bonne nouvelle, donc aux évangiles. Sauf qu’il ne suffit
peut-être pas de lire les évangiles pour comprendre leur signification
profonde. Il faut que se réalise dans l’âme ou le cœur, une espèce d’alchimie
spirituelle pour que l’on s’approprie et que l’on adhère à l’esprit des
évangiles. La vérité révélée consiste à percevoir que Jésus est vraiment le
messager divin qui s’adresse personnellement à chaque être humain dans sa vie.
La révélation de la vérité conduit à la conversion. Si une personne refuse de
s’ouvrir à cette vérité, alors elle ne pourra pas appréhender le sens des
évangiles et je pense que cette personne n’est pas vraiment convertie.
Le dogme est différent de la vérité révélée, car il est produit par un
esprit humain appartenant à l’église. Mais cette église est le corps du Christ
et non la tête. Le dogme peut être faillible selon moi. Mais il faut
reconnaître que tous les dogmes ne sont pas faux ou trompeurs. Il faut
considérer le contexte historique dans lequel ont été formulés les premiers
dogmes de l’église. Cette époque se situe au début du premier millénaire, après
que le christianisme soit devenu la religion officielle de l’empire romain.
Les chrétiens d’alors, comme les évêques, le prêtres des pays chrétiens se sont interrogés sur des questions fondamentales que plus personne ne se pose aujourd’hui
(faute d’intérêt ou de sujet considéré comme classé ?). Quelle est la nature
du Christ. Cette question a soulevé des débats passionnés et passionnants au
cours des Conciles fondateurs (par exemple Nicée en 325) de l’église, et a aboutit
à la définition du Credo. Ces passions ont provoqué de nombreux schismes et excommunications.
Un exemple de phrasé de Credo : « Nous croyons
en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses visibles et
invisibles. Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, engendré
du Père, c'est-à-dire, de la substance du Père. Dieu de Dieu, lumière de
lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré et non fait, consubstantiel au Père ».
Qui comprend
aujourd’hui le sens du lot consubstantiel sur lequel les chrétiens des premiers siècles se sont
affrontés (probablement jusqu’au sang) ?
Cette confrontation a
aboutit à l’invention du concept totalement novateur d’un Dieu unique qui prend
la forme de trois personnes appelées hypostases (le Père, le fils, le
Saint-Esprit), que l’on désigne de nos jours communément sous le terme de la Sainte-Trinité.
Il faut reconnaître
que le dogme de la Trinité est vraiment un dogme fondateur du christianisme et
qui lui donne sa spécificité à cette religion en comparaison des autres monothéismes.
Ce dogme là n’est pas
un pur dogme théologique qui ne concerne que vaguement les chrétiens de base.
Je rapporte (avec mes propres mots), l’explication lumineuse du sens de la
trinité dans le livre de Maurice Zundel (« Quel homme
et quel Dieu »). Le Dieu chrétien ne se situe pas
dans la toute puissance dominante qui impose aux hommes sa loi, en exigeant une
obéissance parfaite (à l’image d’un tyran ou d’un despote). Ce Dieu est avant
tout une relation aimante, dont l’amour est manifesté par le don de soi. Le
Père donne son amour et sa confiance au fils, et le fils donne sa vie par amour
pour le Père. Le Saint-Esprit intervient
lui aussi comme médiateur entre Dieu et les hommes et cette relation multiple continue
de s’actualiser en permanence avec les hommes de Foi. Ce don permanent de soi relationnel permanent à autrui est incompatible avec une relation de domination et de toute puissance.
L'obéissance à la
volonté de Dieu est avant tout un libre choix auquel il appartient à chacun d’adhérer
selon sa conscience, son désir d’amour.
Ce dogme là est
vraiment essentiel à l’église chrétienne. Son savoir est de nature à éclairer
l’expérience religieuse et personnelle de la vérité révélée.
Cependant, il existe
d’autres dogmes beaucoup moins essentiels et qui sont pourtant exhibés comme
infaillibles par l’église institutionnelle, et dont la motivation demeure
douteuse en regard de l’esprit des évangiles et de la vie de Jésus Christ. Je
prendrai pour exemple le statut de la femme dans la religion catholique. Comme
dans beaucoup d’autres religions, les femmes sont particulièrement
marginalisées alors qu’elles représentent tout de même la moitié de l’humanité.
Je donne une illustration parmi celles qui m’ont le plus choquées (Livre
Le Déni de Maud Amandier et Alice Chabblis). La femme se définit par son
essence comme la servante de l’homme (qui lui même peut se mettre par vocation
(donc par choix) au service de Dieu). Voilà une contradiction flagrante de l’esprit
du christianisme, selon lequel, se mettre au service de quelqu’un consiste en
un choix libre et éclairé, et non imposé par une contrainte naturelle
biologique comme le sexe. Obéir par choix personnel, par l’expérience de la
vérité révélée au cours de son existence diffère totalement de l’obligation
d’obéir en raison de son essence. Ce choix libre de l’obéissance fait la
grandeur de l’être humain en l’extirpant de sa misère spirituelle. Les animaux
eux sont contraints d’obéir à leurs instincts par leur essence naturelle. Certains dogmes de religion catholique oseraient-ils comparer les femmes aux animaux ? Je
n’ose l’imaginer. Il me semble donc que le dogme sur le statut de la femme est
appelé à s’actualiser légitimement avec l’évolution sociale des pays
démocratiques, sans se maintenir figée dans une tradition machiste historiquement
contextuelle, devenue obsolète. Je suis persuadée que l’Esprit-Saint n’est pas
l’inspirateur de ce dogme sur la condition de femme dans l'église, mais que ce sont bien des
hommes qui ont consolidé ce concept au fil de l’histoire de l’église, dans leur
propre intérêt.
Cette erreur
fondamentale rend difficile les rapports des femmes avec l’église, les
obligeant à ne pas rejeter d’emblée la religion qui a tendance à les
marginaliser, tout en essayant d’accéder à Dieu et à la Foi, à la pratique
cultuelle, tout en étant éventuellement obligées de supporter bien des
humiliations. Les femmes, par leur expérience de l’église, sont les mieux
placées pour comprendre la quintessence du message Christique sur la pauvreté
et l’humilité.
Je ne cherche pas à développer de polémique sur un dogme particulier.
Mais je veux surtout souligner que la vérité révélée n’est pas un dogme, mais
une expérience personnelle de foi. Pour consolider et éclairer la foi, la
tradition de l’église a établi une série de dogmes théologiques de qualité et
de nature très diverses que l’on apparente à un savoir. Ce savoir bien qu’utile
n’est pas suffisant pour accéder à la Foi. Certains de ces dogmes sont très
importants comme le concept de la Trinité. D’autres dogmes sont plus
contestables parce qu’ils divisent une humanité au lieu d'en rechercher l’identité et sa nature, de se mettre en quête d’unité et d’universalité, avec des rapports apaisés et d’amour
bienveillants. L'essentiel demeure que la religion chrétienne reste vivante et évolutive dans la perspective d'une quête spirituelle toujours en progrès comme l'est le chemin de vie de foi des croyants.
Emylia