Allez, venez, nous allons changer le monde ! Nous
allons voter. Nous allons défiler, nous allons protester, nous allons
polémiquer. Nous allons écrire des pamphlets. Nous allons lutter, nous allons
nous battre pour faire advenir un autre monde. Nous allons prendre le pouvoir.
Belle communion au changement. Mais si vous relisez
votre histoire, ou même relisez la bible, vous réaliserez que nos aïeux et nos
prédécesseurs on cru de tout temps qu’ils avaient la capacité de renverser les pouvoirs et d’en instaurer d’autres.
Belle illusion, et c’est le piège des utopies et des
fausses espérances qui se répète en boucle et qui se referme sur soi, piège qui
engloutit des vies entières. Prendre le pouvoir (ou les pouvoirs) par la force
est une erreur qui se perpétue à l’infini.
En effet, combattre de cette façon là, c’est utiliser
les mêmes armes de la violence pure ou absolue pour détruire ses
adversaires : c’est eux ou c’est nous. Il n’y a pas moyen de s’en
préserver qu’en renonçant à agir de manière semblable aux adversaires. Le
proverbe « Œil pour œil, dent pour dent » ne marche pas. (Mais au
fait qui c’est eux ou nous ? Il n’y a qu’une seule humanité empêtrée dans
sa condition et qui essaye de s’en relever selon des succès très divers.
Pourtant elle n’en finit jamais de se subdiviser, et de toujours briser le
corps du christ en petits morceaux).
Alors il y a le Christ et ses évangiles, avec ses
béatitudes. Soyez très subtils. Croyez à la puissance de la faiblesse. N’employez
jamais les mêmes méthodes que vos adversaires au risque de vous compromettre. Il
y a d’autres moyens de défaire les puissances établies, trop sûres
d’elles-mêmes et qui sont de véritables colosses d’argile. À votre échelle de
vie vous n’y percevez rien. Mais à l’échelle de la longue marche de l’humanité de
sa naissance depuis les ténèbres jusqu’à la lumière de l’aube, le progrès humain
est inexorable, conduit par l’espérance et l’Esprit Saint.
Pour le pouvoir, il n’y a rien de plus subversif que
la non-violence qui ne craint ni la force ni la mort. Quelques trop rares sages
du XXème siècle, chrétiens ou non, l’ont bien compris. Ils ont fait tomber des
murs de ghettos qui rappellent les murs de Jéricho. Avec la crucifixion puis la
résurrection du Christ, les successeurs des apôtres ont induit l’effondrement
du grand empire romain qui s’est dissous dans le Christianisme au III siècle.
Vertige du pouvoir ! Les tentations au désert. Le
Christ a saisi les pièges du démon. Le royaume des cieux ne peut être de ce
monde. Jean 6.15 "Et Jésus,
sachant qu'ils allaient venir l'enlever pour le faire roi, se retira de nouveau
sur la montagne, lui seul."
La seule solution ? Renoncer à la prise du
pouvoir par la force et que chacun soit heureux en transformant son cœur selon
les préceptes des béatitudes. Alors Dieu fera de nouveau sombrer les murailles.
Le mur de Berlin est tombé. Sodome et Gomorrhe ont été détruits. D’autres murs
vont devoir tomber prochainement, non pas aux frontières extérieures, mais au
cœur du lieu de notre vie quotidienne.
Après, que l’église se corrompe au contact des
pouvoirs établis au fil des siècles est du déjà vu. Déjà vu avec les lévites
les pharisiens et les sadducéens du temple de Jérusalem. C’est le jeu éternel
du mal contre le bien. Mais n’allez pas croire que le mal finit toujours par
l’emporter. Tout est question de temps et de rapport à l’éternité.
Mais n’oubliez pas qu’aucun pouvoir humain n’arrivera
jamais à figer l’histoire de l’humanité dans l’immobilisme (on a parlé de la
fin de l’histoire ces derniers temps), dans l’autogestion programmée en aveugle
par une main invisible (la main de l’économie selon Adams Smith, la suprématie
des marchés désincarnés de nos jours) autre que celle de Dieu. Le royaume de
Dieu n’adviendra jamais dans les affaires temporelles et terrestres. Le royaume
des cieux ne peut s’établir que dans les cœurs humains bien incarnés dans une
chair vivante.