J’aime beaucoup la phrase d’un
philosophe contemporain : «philosopher, c’est penser sa vie et vivre
sa pensée. »
En la transposant à la vie chrétienne
cela pourrait donner :
« Être chrétien, c’est
penser ou prier sa vie et vivre sa vie en pensées et en prières, en harmonie avec
l’esprit des évangiles. »
Cependant, ne serait-ce pas
un idéal utopique ? Pour le réaliser, ne faudrait-il pas se retirer du
monde pour échapper à ses pièges pour s’enfermer dans un couvent : s’extraire
du monde afin de prier pour le monde. N’est-ce pas un défit redoutable que de
rester au cœur du monde et de résister de toutes ses forces contre vents et
marées.
Aujourd’hui, j’ai une pensée pour
les exclus de ce monde, pas seulement les exclus dont on parle toujours et pour
lesquels on éprouve de la compassion.
Non, je voudrais évoquer les
exclus minoritaires dont on ne parle jamais car on ne leur accorde même pas ce
statut. Ils seraient plutôt considérés comme des « exclus privilégiés ».
Ils ont fait de longues études. Ils
sont bardés de diplômes et hyper-qualifiés. Ils rêvent de faire de la recherche
fondamentale, pure et désintéressée (de tout enjeu financier). Dieu dans la
Genèse, n’a t’il pas invité l’homme à découvrir les merveilles de la
nature ? Voilà une noble ambition pour l’être humain.
Pourtant, au terme de leurs
études, le système pose toutes les restrictions inimaginables pour les empêcher
de faire une thèse. Ou s’ils ont une thèse, on les précarise en PostDocs, éventuellement
renouvelés d’année en année, en fonction des moyens disponibles, pour finalement
les rejeter du système par une loi de non cumul des CDD. Une nouvelle classe d’esclaves
diplômés des temps modernes fait son apparition (pas uniquement en France).
Voilà comment dans notre beau
pays de liberté, égalité et fraternité, nous brisons les rêves d’une jeunesse
méritante et travailleuse par des mécanismes malthusiens et précarisants.
Pour une personne comme moi, qui a fini par arriver aux responsabilités de faire vivre un petit
groupe de recherche, comment ne pas se rendre complice d’un système aussi brutal ?
Comment résister pour y mettre un peu d’humanité ?
Faut-il refuser de se compromettre, claquer la porte et aller
voir ailleurs ? La bonne attitude ne serait-elle pas au contraire de résister, de freiner
le système, de réagir et si possible de chercher des astuces pour le contourner ?
Il faut en permanence lutter pour
ouvrir de nouvelles perspectives, quémander des moyens (je ne supporte plus ce
mot « moyens » pour désigner des êtres humains), pour créer des
emplois très temporaires pour finalement se séparer dans le déchirement de
collègues très méritants et devenus indispensables. Il faut inlassablement créer de nouveaux projets, se
projeter dans l’avenir pour semer de nouveaux espoirs.
Être chrétien, c’est implorer les
lumières de l’Esprit saint quand il y a des problèmes à résoudre, des solutions
à trouver, des choix à faire, des demandes de moyens à soumettre sans relâche.
Être chrétien, c’est tenter de
pallier à l’inhumanité du monde pour tenter réparer ses failles abyssales en
fabriquant au jour le jour, l’espérance d’un lendemain ou tout rêve de
connaissance devient possible.
merci Emylia. j'ajouterai simplement ceci : il faut de tout pour faire un monde. Y'en a qui sont taillés pour vivre dans le monde et lutter dans le monde pour trouver des solutions aux problèmes du monde; tandis que d'autres sont taillés pour vivre hors du monde - ce qui ne les empêchent guère de lutter à leur manière pour aider à trouver des solutions aux problèmes du monde - par le moyen de la prière par exemple. Dieu entend toute prière désintéressée... Je suis pour le retrait du monde actuel car oui, c'est un grand défi que d'y rester et de résister - je l'avoue je ne suis pas taillée pour ça... alors je fais ce que je peux pour ce monde - je compte sur La Providence et sur La Grâce de Son Créateur.
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