La bonté !
Quelle qualité étrange de nos jours. Ne serait-elle pas suspecte, motivée par
un intérêt caché, peu avouable ? Ne ferait-elle pas une concurrence déloyale
et illégale à quelques services marchands ?
Notre république a
inventé la charité démocratique forcée. Cette charité démocratique forcée s’appelle
impôts, cotisations sociales redistribution. Cette charité démocratique est une
sorte de pacte social, un devoir auquel tout citoyen doit se soumettre pour l’intérêt
commun. Cette charité a été reconnue d’utilité publique en son temps comme une
nécessité pour la cohésion de notre société laïque, démocratique et
républicaine. Je pense particulièrement à cette époque pas si lointaine, au
sortir d’une sinistre période où sous l’égide du conseil national de la
résistance en 1944, les idées les plus généreuses de partage ont été votées, en
dehors de tout cadre religieux d’ailleurs.
Aujourd’hui, parce
que nous vivons une grave crise économique sans précédent, nous devrions
remettre en cause notre modèle redistributif, ne plus supporter de payer des
impôts qui payent l’école aux enfants des autres, refuser de payer des
cotisations sociales qui permettent aux malades de se soigner ? L’adjectif
«public» est en train de devenir une
hérésie, qu’il faudrait remplacer par le mot « privé».
Certains mouvements
essayent d’inculquer l’idée que l’attitude humaine normale et naturelle est
l’égoïsme. Le monde des hommes, comme celui la nature est impitoyable, au sein
duquel doivent régner les lois de la sélection naturelle.
Où réside le
véritable progrès de l’humanité : dans l’égoïsme ou dans la solidarité (passive
ou active) ?
Si nous avions la
possibilité de voter explicitement, entre égoïsme ou solidarité, par
référendum, je ne suis pas convaincue que l’égoïsme l’emporterait. Nous n’avons
pas perdu la mémoire de qui nous sommes. Nous n’avons pas oublié que nous
sommes les héritiers d’une longue histoire solidaire qui a pris ses fondements
dans la révolution française. Elle même est née d’un humanisme culturel qui
avait ses racines dans plus d’un millénaire de christianisme aux valeurs
évangéliques.
J’aime entendre
l’Église, le pape, rappeler aux puissants et autres princes de ce monde que
tout n’est pas permis en matière d’égoïsme.
L’Église n’est pas
seulement cette institution de pouvoir religieux à l’organisation hiérarchique
tentaculaire. Elle est une communauté chrétienne religieuse et laïque qui croit
que la société humaine n’est pas durable sans un minimum de valeurs
évangéliques de bienveillance et de partage.
Je vais raconter
une histoire que l’on m’a rapportée.
C’est l’histoire
d’une religieuse qui ne vit pas dans un monastère. Elle s’est installée dans un
territoire abandonné par la république et les services publics, privés et aussi
de l’Église. Ce territoire s’est vidé de sa jeunesse désœuvrée. Il ne restait
plus que les personnes âgées abandonnées par tous. La religieuse ne possédait rien,
si ce n’est qu’une voiture qui lui permettait de maintenir un lien de vie. Elle
apportait les médicaments aux vieux, pratiquait gratuitement des soins
indispensables d’infirmière. Elle s’occupait de la toilette des indigents matin
et soir. Elle était toujours prête à rendre service et à se dévouer sans
compter, ses jours et ses nuits.
Ces gens n’étaient
pas forcément des croyants ; ils étaient même plutôt athées. Comment
auraient-ils pu pratiquer une religion sans messes, sans eucharistie ?
Cependant ces pauvres gens n’avaient pas besoin de discours de slogans pour percevoir
une réalité christique.
Mais la vraie foi
n’est-elle pas de croire que la bonté gratuite est non seulement possible mais
bien réelle ?
« Car le premier lieu de cet humain, c’est bien
cette communion, dont l’immensité, l’heureuse démesure se montre en ce qui est
le plus simple et le plus concret : le voir, l’entendre, le toucher ;
engendrer, nourrir, soigner, écouter, parler. Accueil premier que rien ne peut
détruire. Cela dépasse la bienveillance et la compassion. C’est cet Amour là
que l’on ne peut cesser de louer, de répéter – de vivre comme ce qui fait le
sel de l’existence, le souffle, la primitive et indestructible gaité. C’est
bien plus que le sens de la vie. C’est la vie elle même.
C’est croire en l’homme. Vraiment : la foi, avec ce
qu’elle a de fragile en nous et d’indestructible en elle même. Mais ce n’est
pas une croyance ou une thèse : c’est la présence aimante où chaque humain
pourra gouter qu’il est reçu, avant et au delà de tout, ayant cette place
unique qui est lui-même. » (Maurice Bellet, L’explosion de la religion,
2014).
Emylia
Merci pour ce bel article Emylia. J'ai aimé vous lire et je suis en phase avec vous.
RépondreSupprimerMaurice Bellet vient de sortir " Foi en l'humain"
Très belle et heureuse fête de Noêl à vous tous qui êtes de temps à autres sur ce blog.
MERCI Emylia.
Mamou