C’est beau un visage souriant. C’est rassurant. Il nous apporte même une
joie ineffable. C’est un don qui nous
conforte que la vie vaut la peine d’être vécue. Il est aussi des sourires
forcés, crispés, grimaçants et parfois trompeurs qui voudraient nous faire
croire que tout va bien alors que tout ne va pas aussi bien que dans le
meilleur des mondes. Et le monde auquel je fais référence est le monde réel. Ce
monde là se fait le chantre du progrès humain qui se réduirait aux échanges des
marchandises et des capitaux, aux voyages des touristes et des hommes
d’affaires. C’est nier la nature humaine qui ne peut être réduite à Homo
Economicus. La personne humaine est bien plus qu’un consommateur qui consomme
et un travailleur qui produit de la richesse. La personne humaine est soumise à
d’autres forces que celle des différents marchés qui définissent des équilibres
entre une offre et une demande globalisée et abstraite. La personne humaine est
soumise aux forces de la vie dont certaines échappent à l’emprise des marchés,
mais pas toujours. Il est vrai qu’une forme de médicalisation tend à vouloir
supplanter les épreuves liées à la santé et même à s’emparer du marché du
bonheur. Les assurances ont tendance à vouloir nous protéger de tous les
risques qui peuvent perturber dangereusement le déroulement d’une vie. Et donc
on basculerait dans une vie planifiée, programmée, aseptisée de toute émotion,
avec un destin tout tracé. Suprême illusion ! En dépit de toute
planification, il y a toujours un grain de sable qui peut venir se placer dans
un engrenage d’une mécanique bien huilée et qui fait dérailler toutes les
prévisions. Que répond notre monde face à l’imprévu ?
L’imprévu est un ratage du système qui ne sait pas toujours le contrer ou le
réparer. Mais avouer son ignorance reviendrait à assumer ses faiblesses, à
reconnaître les illusions et les mensonges. Alors il ne reste plus que les
larmes pour exprimer un désarroi. Que les larmes coulent de façon inattendue
nous démontre que tout ne peut être absolument prévu, surveillé et contrôlé.
Les larmes éveillent d’une torpeur aseptisée d’émotions humaines et font
prendre conscience que tout n’est pas au mieux dans le meilleur des mondes et
que le malheur peut encore frapper chacun d’entre nous malgré les précautions
commerciales assurancielles. La présence de ces larmes est un signe d’une autre
possibilité de délivrance, d’arrachement au malheur, car le plus risqué, serait
d’étouffer ces larmes. Les larmes inquiètent et perturbent le monde qui ne sait
comment y répondre. Elles en appellent aux valeurs gratuites de compassion et d’empathie
qui ne peuvent se laisser enfermer dans aucun commerce. Elles font comprendre
que la condition humaine a besoin de miséricorde divine pour le salut de l’humanité.
Elles rendent indispensable la nécessité de la foi et de l’espérance en
opposition avec l’assurance et la planification de la vie humaine.
Y aurait-il une honte à oser pleurer publiquement ? En dehors des enterrements, il est rarement
toléré de se laisser fondre en larmes ouvertement n’importe où. C’est comme
prier ! Dans notre société laïque,
il est recommandé de pleurer (et de prier) dans la discrétion de la sphère
privée. Nous n’avons rarement appris à répondre de façon appropriée à la détresse
humaine. Les larmes désorientent. Savoir prononcer quelques mots de réconfort
et de sympathie peut sembler parfois bien difficile. Mais alors il
faudrait montrer en public sa
sensibilité, c’est à dire son humanité. Peut être que ce serait aussi
s’affirmer ouvertement chrétien, dont la foi est soutenue par une adhésion
totale aux valeurs des évangiles.
Rappelons nous le Christ n’a pas retenu ses larmes : des larmes de
compassion pour le triste destin de Jérusalem, pour la condition humaine
mortelle pour Lazare, des larmes d’auto-compassion de suée, de peur et de sang lors
de sa passion, qui montrent que l’amour du prochain commence par un minium de
reconnaissance de soi et de sa misère.
Non vraiment les larmes ne doivent pas nous effrayer. Elles nous placent
sur un chemin de vérité qui nous mène au Christ. Comme le rappelle le pape dans
l’une de ses méditations quotidiennes, le don des larmes est une grâce.
Emylia
Bonjour Emylia,
RépondreSupprimerVotre réflexion sur les larmes est remarquable.
Je ne sais combien de fois montrer ma vulnérabilité m'a isolée et pénalisée.
Mais pour rien au monde, je ne renierai ma sensibilité qui m'évite la tentation de toute puissance et qui m'évite aussi de finir dans l'indifférence du monde qui m'entoure.
Pour faire écho à un passage de votre billet, je lisais dernièrement que la véritable assurance-vie est l'Amour de Dieu.
Je vous souhaite une belle journée
Bonsoir Emylia, et merci de nous rappeler le pourquoi de notre existence : imiter Le Christ, imiter L'Amour qui n'a jamais eu honte d'être pleinement homme et pleinement Dieu.
RépondreSupprimerBonne continuation
+doris