J’ai toujours été
très inquiète au sujet des mécanismes d’exclusion à l’œuvre dans les groupes
sociaux, à commencer à l’école, puis dans la vie professionnelle, dans les structures
associatives de toute sorte (jusque dans les paroisses catholiques par exemple),
et aussi à l’échelle de la société d’un pays tout entier. J’ai particulièrement
été édifiée par la présentation des inégalités
culturelles par la sociologue d’origine
québécoise Michèle Lamont sur France
Culture.
Effectivement, j’ai
le sentiment de toujours entendre des discours de rhétorique sur la république,
l’égalité des chances et le mérite, alors que tout le monde sait bien que la
France est un pays qui fabrique massivement non seulement de l’exclusion
sociale mais aussi de l’exclusion culturelle par un mécanisme conjugué d’une part
de nivellement par le bas de l’éducation et d’autre part d’un système de
sélection impitoyable. La France n’est certainement pas plus vertueuse que les
États Unis ou le Royaume Unis dans ce domaine.
La France se
complait hypocritement dans un aveuglement face à ces inégalités, en refusant
de procéder aux analyses qui l’acculerait on seulement à les reconnaître, mais
aussi à admettre l’inefficacité économique de cette situation. Pourquoi
faudrait-il que les sociétés soient clivées en classes sociales qui s’ignorent
mutuellement jusqu’au mépris. Je ne vais pas insister sur la situation
contemporaine. Mais je voudrais faire
remarquer que les clivages ont toujours existé. Il y a toujours eu un
« Nous » qui s’oppose à un « Eux », les deux générant
indéfiniment peur, colère et haine.
On retrouve cette
ségrégation dans la Bible, à commencer par les hébreux victimes d’exclusion en
Égypte. Puis lorsque les hébreux pénètrent en terre cananéenne, ils entrent
régulièrement en guerre avec les autres peuples païens déjà installés sur ces
territoires. Quand la situation se stabilise, le peuple hébreu se fragmente en
douze tribus qui s’affrontent pour obtenir le pouvoir. Elles ne tardent pas à
se regrouper les unes en un royaume du Nord dit d’Israël et le royaume du Sud dit
de Juda. Les tribus des deux royaumes s’affrontent
les unes au autres. Deux grandes catastrophes frappent le peuple hébreu :
d’abord la disparition du puissant royaume du nord, écrasé par les assyriens au
VIII siècle avant Jésus-Christ, puis la déportation des tribus restantes du
royaume de Juda à Babylone au VII siècle. D’ailleurs ce sont les rescapés du
royaume de Juda qui écriront l’ancien testament. La bible est la réponse à un
sursaut identitaire de survie des juifs de Juda qui ont compris que la discorde
les a menés au bord de l’anéantissement.
Quelques siècles
plus tard, à l’époque du Christ, les évangiles dépeignent très clairement les
clivages dans la société juive. Sans parler des romains, les samaritains et les
cananéens sont les paria-exclus de l’époque. La grande métropole de l’état juif
« Jérusalem » méprise ses provinces. Les pharisiens de Jérusalem ont
le monopole du savoir religieux par l’accès restreint au temple. Les évangiles
nous décrivent une société judaïque complètement rigide et bloquée par ses
propres clivages sociaux. Ces murs d’incompréhension et des sentiments
légitimes de révolte la conduiront à la destruction de Jérusalem par les
romains au premier siècle.
Il n’est guère de
doute que Jésus a tout compris des mécanismes d’exclusion qui étaient à l’œuvre
à son époque.
Après ce furent les
premiers chrétiens qui étaient victimes de stigmatisation dans l’empire romain.
Au moyen-âge les sociétés humaines se sont fragmentées en classes appelées des
états (noblesses, clergé, tiers-état). Plus tard, il y a eu la bourgeoisie, le
prolétariat, les paysans qui se sont opposées.
Bref, plus les pays
deviennent grands, voir lorsqu’ils sont mondialisées dans une monde sans
définition claire, toute l’organisation sociale se fragmente indéfiniment en
microstructures avec des relations sociales inter-structures qui deviennent
presque impossibles. Les divisions sont sans fin.
Emylia
Bonjour,
RépondreSupprimerMalheureusement, comme souvent, j'aurais beaucoup de commentaires à faire mais je ne peux les faire encore .
Pourtant, de semaine en semaine , j'engrange les récoltes faites grâce aux lectures et écoutes d'émissions et je commence à pouvoir faire se rejoindre les divers sujets et composer dans ma tête une petite synthèse de tout cela. Il faudrait que je réussisse à l'écrire quelque part.
Pour le sujet de cette semaine, je dirai, rapidement pour aujourd'hui, que j'ai toujours eu une horreur viscérale des exclusions, stigmatisations et autres formes de mépris quelles qu'en soit les causes: pays d'origine, couleur de peau, façon de vivre, culture plus ou moins grande, sexe, handicap, niveau social...j'en oublie tellement les causes de rejet peuvent être variées et multiples.
Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je me suis toujours identifiée à toute personne méprisée et j'ai toujours souffert personnellement du mépris exprimé envers quelqu'un , même, bien sûr, envers une personne, des personnes, que je ne connais pas.
J'ai entendu le Père Christian Delorme ("Le curé des Minguettes") dire la même chose et il en donnait cette explication probable: le fait qu'étant enfant, il s'était senti méprisé lui-même.
Pour moi c'est sans doute aussi la même explication.
Aux yeux de Dieu, nous avons TOUS la même dignité.
Bonne soirée.
Thérèse.