Les vicissitudes de
la vie me baladent en ce moment. Un fils qui réussit son parcours scolaire,
l’autre qui peine. Le décès de la grand-mère de mon époux. Ma progression
rapide dans l’interprétation musicale et mes premiers pas en composition. Mes
activités de chorale qui périclitent. Mon travail qui se poursuit et se
réoriente. Et de temps en temps, le soir, je saisis mon livre sur la bible pour
comprendre à la suite de David et Salomon, le livre des rois.
J’ai du mal à me
fixer avec insistance sur un thème, excepté la musique qui est pour moi une
nouvelle parole qui me parle intérieurement. Si le Christ est dans la beauté de
l’art, dans la création humaine, alors il est auprès de moi. S’il est dans ce
fils qui ne cesse de faire plaisir à ses parents et à tout le monde, alors il
est le don même du ciel.
Et il y a tout le
reste, ce qui n’est pas si merveilleux. Je pense à cette grand-mère qui vient
de traverser un siècle de vie. Impressionnant ! Non pas que je voudrais
lui adresser un grand hommage, mais parce qu’elle était comme la plupart
d’entre nous, une personne humaine de caractère, avec une face généreuse et
aussi une autre face égocentrée.
Il en faut du
courage pour vivre cent ans, naitre en milieu rural, traverser deux guerres
mondiales, construire sa vie au lendemain de la dernière guerre dans une France
de la pauvreté, sans beaucoup de bagages sociaux-culturels. Des enfants qui
naissent dans la précarité, un enfant prématuré à sauver, dans le coton d’une
boite à chaussures. On a du mal à s’imaginer, se battre pour que les quatre
enfants vivent, étudient, tandis que
l’époux au service de la France est éloigné sur différents théâtres
d’opération.
Mais après les
difficiles années 50 dénoncées par l’abbé Pierre, la prospérité revient en
France et les quatre enfants profitent de l’ascenseur social. Il y a aussi la
possibilité de reprendre un travail sur le tard après avoir été plus d’une
vingtaine d’année mère (puis grand-mère) au foyer. Puis quand sonne la
retraite, c’est la période actives des associations caritatives, Croix-Rouge,
aide sociale, transport des personnes en difficultés.
Paradoxalement,
c’est aussi une période où elle aime faire valoir à qui veut l’entendre,
l’ensemble de ses bonnes actions. Parce que être né il y a cent ans en milieu
rural, signifie souvent avoir été élevé en milieu croyant catholique. La
religion a toujours été présente dans la vie, elle a incité à faire certains
choix, souvent de bons choix. Mais l’humilité du Christ n’a pas été bien
comprise. La religion est brandie comme une exigence de tradition. Une
tradition qu’elle veut imposer aux
autres, notamment à ses petits enfants, sans accepter l’idée que les petits
enfants n’ont pas forcément le désir de se plier aux exigences d’une tradition
qui a passé, une exigence qui blesse. Exigences, mais aussi caprices
contradictoires à l’égard de ses propres enfants, à la limite tyranniques.
Cette personne
active et courageuse est restée longtemps autonome jusqu’au jour, à 95 an, elle
devenue dépendante. Ses enfants l’ont placée en maison de retraite, non sans
avoir bataillé. Eh puis, est-ce l’effet de médicaments, de la souffrance (mais
pas de la sénilité), elle se met à battre sa propre fille ainée (à plus de 95
ans). Elle se métamorphose en « Tatie Danièle ».
Je ne veux pas
juger, et heureusement, il est préférable de laisser les personnes au jugement
de Dieu. Mais tout de même, quel étrange mélange de générosité et d’égoïsme en
une seule personne. Pourquoi les humains sont ils aussi compliqués, paradoxaux ?
Emylia