Ce qui
est en cause c’est l’être humain
avec sa difficulté majeure de trouver son
propre chemin.
Maurice Bellet
Théologie de Poche (2014)
J’ai le plus grand respect pour toutes le formes de fois sincères. J’admets parfaitement que chacun exprime sa foi d’une manière différente. Il n’est pas interdit de comprendre la nature de sa foi, ce qui la dynamise et la fait vivre. Je ne suis pas sure que chacun puisse connaître à fond tous ses ressorts. En effet qui pourrait prétendre de détenir toute la vérité ou du moins sa vérité intime.
La nature de ma foi
est de me faire suivre en ce moment les chemins que Jésus-Christ a empruntés,
de son vivant ainsi que le parcours de foi de ses contemporains, en marche vers
la découverte de la foi chrétienne.
Dans les deux
livres que je ne cesse de citer, j’ai étudié le contexte culturel des pensées
et espérances du peuple hébraïque à l’époque où Jésus est né.
C’est une époque
difficile où la foi se tarit, car une espérance de longue date n’en finit pas
de ne pas se réaliser. Par certains égards cette époque peut ressembler à la
notre, si épuisée par tous ses rêves laïques, et contrainte s’arrêter brutalement en apparence devant un
réalisme paralysant et liberticide.
Mais les apparences
sont toujours trompeuses. Et un avenir semblant sans espérance peut être la
source d’une vitalité cherchant à dépasser les blocages pour préparer un avenir
nouveau.
C’est au cours des
trois derniers siècles avant J.C que le judaïsme se transforme officieusement
pour devenir une religion plus personnelle. La question du salut ne s’adresse
plus au peuple dans sa totalité mais aux personnes, aux hébreux et aussi aux païens
(ceux qui deviendront les gentils). Les écrits bibliques se démultiplient dans
un contexte de culture religieuse très féconde et prolifique. Pratiquement
aucun des ces nouveaux textes seront intégrés aux canons hébraïques et
chrétiens. C’est pourquoi il est si difficile pour nous de connaître précisément
le contexte religieux dans lequel Jésus est né et a grandi.
Sauf que les
historiens, les exégètes et les théologiens qui font de la « recherche
religieuse » font des progrès considérables de compréhension encore de nos
jours. Ces explications ne peuvent pas se trouver dans la bible.
Pour continuer je
vais m’appuyer sur la synthèse exhaustive de ces recherches que propose le
théologien Joseph Moingt dans son livre « Croire au Dieu qui vient ».
Les paroles de
Jésus Christ ont été rapportées relativement tardivement par les évangélistes
officiels, c’est à dire plusieurs décennies après les faits (au moins de + 70 à
+90 après J.C). Après tant d’années de décalage, il ne faut pas considérer les
évangiles comme des témoignages de première main, de type journalistique. Avant
d’être écrits, les textes ont été retravaillés de mémoire et à plusieurs mains
au prisme de la foi grandissante des premiers chrétiens qui se sont transmis
les souvenirs des témoins oculaires.
En christologie,
les chercheurs sont parvenus à reconstituer une trace écrite la plus ancienne des
paroles du Christ, commune aux évangiles de Mathieu et de Luc, appelée source
Q. Ces écrits datent d’à peine 20 ou 30 ans après la mort du Christ. Je dois
dire que la lecture des paroles originales du Christ dans la source Q,
commentées par le théologien Joseph Moingt m’a profondément étonnée et
intéressée.
J’y découvre un
Jésus très humble délivrant des paroles d’une très grande sagesse et mesurées,
sans une trop grande prétention messianique, ou de fils du Père trop encombrante.
Même si on ne sait pas comment Jésus a pu acquérir ses connaissances
religieuses approfondies en dehors des lieux consacrés aux études religieuses
comme le temple de Jérusalem, on sait que Jésus avait parfaitement compris les
attentes spirituelles de son époque, il avait perçu la transition à l’œuvre d’une
religion collective de rites, vers une spiritualité plus intériorisée du salut
présent et futur. S’il connaissait bien le sort réservé par les hommes aux
prophètes comme Jean-Baptiste, il n’imaginait probablement pas que les pouvoirs
religieux et politique de son époque se ligueraient aussi rapidement pour arrêter
brutalement sa mission de deux ans auprès des hommes.
La source Q est un
recueil de paroles avant les événements tragiques, mais ne fait aucunement
référence à la mort du Christ et à sa résurrection. Ce qui veut dire que bon
nombre de témoignages sur sa résurrection ont été rajoutés longtemps après
l’écriture de la source Q. Joseph Moingt explique que la foi des premiers
chrétiens a fait une relecture des sources originelles, renouvelée par le
développement évolutif de la foi chrétienne qui s'autonomisait du judaïsme en se libérant de la peur. La
source Q qui a conduit à la rédaction d’au moins deux évangiles a évolué comme
les écrits bibliques avaient eux-mêmes évolué au cours des siècles précédents.
Joseph Moingt,
n’est pas le seul théologien à faire cette hypothèse de l’évolution des
témoignages. Cette hypothèse s’appuie sur les recherches de plusieurs chercheurs dont les
travaux sont cités.
Il n’est pas
étonnant que le livre de Joseph Moingt dérange l’église puisque d’une part il
montre que certains textes importants ont été écartés du canon officiel et d’autre
part les évangiles ont évolué à partir de textes antérieurs. D’où la résistance de l’éditeur habituel DDB
qui a trainé les pieds pendant deux ans avant que J.M ne confie son manuscrit à
Gallimard.
Je ne garantis pas avoir fait une bonne synthèse du
livre alors que je n’ai même pas encore
dépassé la moitié. Je veux simplement témoigner que cette lecture est
passionnante. La vérité est à ce prix. Je ne crains pas que cette vérité soit
de nature à troubler la foi, mais plutôt invite à la retravailler comme une foi
critique digne de ce nom. Je m’attends encore à d’autres révélations tout
autant passionnantes puisées aux sources véritables de la religion chrétienne.
Emylia